Pourquoi les fonds communs peuvent vous rendre plus pauvres

Par Frederic Baillargeon | Publié le 13 avr. 2022

Why Mutual Funds are Making You Poor
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Table des matières

    Le principe qui sous-tend les fonds communs de placement est brillant. Il consiste à mettre en commun l’argent de plusieurs petits investisseurs de manière à avoir un volume d’achat important. Cet argent est ensuite investi dans plusieurs compagnies. Chaque investisseur détenant une petite part dans le fonds constitué se trouve ainsi avec un risque de pertes beaucoup moins important. En effet, si le fonds place l’argent dans une centaine de compagnies et que l’une d’elle se trouvait en difficulté, il y aurait peu d’effets sur l’ensemble du fonds alors qu’un investisseur ayant investi dans cette seule compagnie pourrait théoriquement tout perdre.

    Cette idée remonterait à 1774 où un marchand néerlandais a eu l’idée de créer une fiducie de placement et d’offrir au public 2000 parts dans cette fiducie. Chaque personne détenant une ou plusieurs parts était ainsi un actionnaire proportionnellement à ses parts dans le fonds. Une fois les 2000 parts vendues, il n’était possible de participer au fonds qu’en achetant des parts à un autre actionnaire. C’est le principe des fonds communs de placement. Ce principe permet à de petits épargnants de jouer dans la cour des grands.

    Il faut toutefois qu’une personne gère ce fonds et décide où et comment investir l’argent. Cette personne est rémunérée à même le fonds, en pourcentage des sommes sous gestion. La rémunération est indépendante de la performance du gestionnaire (quoi qu’à long terme, son job soit en jeu s’il ne performe pas).  Évidemment, la compagnie qui engage le gestionnaire de portefeuille touche aussi une rémunération de manière à pouvoir promouvoir ses produits et services et pour payer ses vendeurs qui se déplacent pour vous vendre des parts de fonds.  Comme dans bien d’autres choses, quand il est question d’argent, il existe une opacité surprenante sur les frais de gestion et la rémunération des vendeurs.  Ces frais sont aujourd’hui carrément prohibitifs, ils manquent de transparence quand ils ne sont pas carrément dissimulés et les vendeurs sont bien souvent poussés à vendre des produits payants pour la compagnie qu’ils représentent plutôt que des produits qui soient bons pour vous.

    La plupart des fonds communs vendent l’idée de la gestion active.  C’est donc dire qu’un professionnel du placement va mettre ses connaissances à l’épreuve pour sélectionner les meilleurs titres sur les marchés financiers.  À première vue, c’est une excellente idée, mais l’histoire a démontré que la grande majorité des gestionnaires de portefeuilles n’arrivent pas à battre leur indice boursier de référence une fois les frais appliqués.  Alors, même si leur compétences soient extraordinaires, elle ne le sont jamais assez, en moyenne, pour compenser les frais facturés pour leur travail.  À qui profitent, alors, les fonds communs?

    Qu’est ce qu’un indice boursier de référence?

    Un indice boursier permet en un seul coup d’œil d’avoir une idée d’un marché ou d’un secteur du marché.  Le plus ancien et le plus connu est l’indice Dow Jones qui cumule des données depuis 1896. 

    Les frais de gestion (MER pour Management Expense Ratios, dans le jargon financier) des fonds communs canadiens sont les plus élevés au monde avec une moyenne de 2,56%.  Ainsi, un épargnant qui a 100 000$ dans des fonds communs, paye environ 2560$ par année de frais bien souvent sans même le savoir.  Vous êtes en droit de vous demander si le conseiller financier que vous rencontrez une fois par année durant la saison des REER le vaut vraiment.  Dans une pratique de vente pas si lointaine, les représentants prétendaient que leurs services étaient gratuits.  Peut être avez vous déjà entendu cet argument.  Rien n’est gratuit, et surtout pas dans le milieu de la finance.    

    Fonds communs : Il y a pire encore

    Les vendeurs de fonds communs, dans leur pratique, facturent souvent des frais d’entrée ou des frais de sortie dégressifs lors de vos achats de parts.  Les frais d’entrée amputent directement et de façon fort négative votre capital de départ.  Les frais de sortie quant à eux, prennent la forme de pénalités (pouvant aller jusqu’à 6% de votre capital) si vous retirez votre argent avant une période donnée (généralement 5 ou 7 ans).  Ces montants sont les commissions directes de vente du représentant (en plus des frais de suivi annuels). Un argument peu convaincant souvent avancé pour justifier ces frais est d’affirmer que cela constitue une protection contre vous-même… il semblerait que ces frais vous évitent de céder à la panique si les marchés deviennent très volatils (fortes baisses et fortes hausses). Avez-vous vraiment besoin de payer pour une protection contre vous-même? Ces arguments de vente sont pour le moins douteux et celui qui en profite dans cette relation client/conseiller, ce n’est assurément pas vous.

    Rien ne vous oblige à payer tous ces frais.  Des produits financiers copiant des indices boursiers existent et ils sont en forte progression au fur et à mesure que les gens prennent connaissance de ce qu’ils payent et de l’inefficacité de la gestion active.  Ces produits peuvent prendre la forme de fonds communs indiciels et mieux encore (en terme de frais), de FNB (Fonds Négociés en Bourse).  Ces produits de gestion passive sont expliqués dans un article complémentaire: (“Comment investir avec peu de moyens sans se faire voler”) qui sort la semaine prochaine.  Disons simplement pour le moment que ces produits ont des MER moyens de 0,35%.

    Fonds communs: Quelle différence ça fait?

    En apparence, 2,56% ou 0,35% c’est à peine 2,21% de différence.  Mais ce petit 2% années après années sur une très longue période a un effet absolument dramatique avec l’effet des intérêts composés.  Après 30 ans, votre capital sera amputé du tiers de sa valeur (voir le graphique).  Donneriez vous le tiers de votre argent à votre conseiller financier?

    Pour vous convaincre, faisons une petite simulation. Chaque année, l’IQPF (Institut Québécois de Planification Financière) publie ses hypothèses de projection.  Ces hypothèses sont en fait des lignes directrices pour les planificateurs financiers de manière à faire des projections de rendement réalistes lorsqu’ils font des calculs à long terme (par exemple pour la retraite). Les projections d’expérience de rendement à long terme publiées en 2016 sont les suivantes pour chacune des classes d’actifs:

    Maintenant, prenons un portefeuille dynamique.  Un portefeuille dynamique est un peu plus risqué et conviendra généralement à un jeune dans la trentaine qui possède un emploi stable, qui s’inquiète peu des fluctuations du marché et qui épargne pour une retraite qui aura lieu dans plus de 20 ans.

    Ainsi, l’espérance de rendement à long terme d’un tel portefeuille serait de 6,05% annuellement avant les frais. Si on retire 2,56% en moyenne pour les frais de fonds communs et 0,35% en moyenne pour les frais de FNB, il nous reste une espérance de rendement nette des frais de 5,7% pour le portefeuille de FNB et 3,49% pour le portefeuille de fonds communs. Avec ces nombres, faisons une projection sur 30 ans où notre investisseur place religieusement 5000$ par année indexé selon le coût de la vie (qui augmentera selon les projections de l’IQPF à raison de 2.1% par année).  Nous obtenons des résultats probants:

    Après 30 ans, la différence entre les deux portefeuilles pourrait être de plus de 145 000$.  Cet argent aura été transférée dans les poches de votre représentant (et la compagnie de fonds)… L’investisseur qui aurait ici choisi les fonds communs, devra travailler et cotiser plusieurs années de plus pour atteindre la même valeur que l’autre investisseur.

    Dans tous les cas, ce qui est important de retenir, c’est que les fonds communs, une fois nets des frais, perdent énormément de leur lustre. Après 30 ans d’investissement dans des fonds communs vous aurez contribué, le tiers de votre argent potentiel à enrichir la compagnie de fonds communs et votre vendeur.  

    Vous devinez que je ne suis pas un très grand fan des vendeurs de produits financiers.  Dans les institutions financières, on vous offre des produits maison qui sont souvent très limités et en dehors de ces institutions,  plusieurs vendeurs itinérants cherchent d’abord à vendre le produit vedette qui donne une prime à la fin du mois.  Dans les deux cas, les intérêts de chacun sont bien peu alignés avec les vôtres.  La meilleure solution c’est de prendre en main sa santé financière et se s’informer.  Pour les plus gros portefeuille, les conseillers à honoraires sont bien plus neutres et efficace pour atteindre vos objectifs que les conseillers à commission.

    Certains font la file au Costco plus de 30 minutes pour sauver 7$ sur un plein d’essence chaque semaine (avec l’inflation, après 30 ans, on parle d’environ 15 000$ d’économie).  À partir de maintenant, peut être serez vous sensibilisés aux frais de gestion de manière à investir plutôt ce temps précieux à prendre en main vos finances personnelles et sauver des centaines de milliers de dollars.

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    Frédéric Baillargeon est un entrepreneur. Il a participé au démarrage de différentes entreprises qui génèrent aujourd’hui plusieurs millions de dollars de ventes. Il s’intéresse à la couverture de risques à l’aide des produits dérivés et il s’affaire à démontrer que chacun peut prendre sa situation financière personnelle en main sans trop d’efforts. Il détient un Baccalauréat en Administration des affaires, une formation en finance appliquée, possède un titre de planificateur financier et termine présentement un eMBA à l’UQAM et à l’Université de Paris Dauphine.