Open Wallet, épisode 5: François Gilbert

Par Paul Pontillon | Publié le 03 août 2023

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Table des matières

    François Gilbert, pdg d’Anges Québec, nous raconte son enfance et son adolescence hors normes entre voiture de sport, moto-neige et cadeaux de 15000$ pour noël. Il se confie sur la relation très proche qu’il entretenait avec son père, qui lui cède des parts de la bijouterie familiale, alors qu’il n’a que 18 ans. Afin de se protéger d’éventuels braquages il est contraint de travailler avec une arme sur lui.

    Malgré un avenir qui semblait écrit d’avance, François Gilbert a su se bâtir une carrière en quittant l’entreprise familiale pour se réaliser seul. Découvrez également ses meilleurs investissements et ses conseils pour réussir.

    | Vidéo : FacebookYouTube

    JB : Bonjour tout le monde. Bienvenue à Open Wallet.Une émission où j’interviewe des gens super intéressants comme François Gilbert, président d’Anges Québec. Pour ceux qui nous écoutent pour la première fois, Open Wallet me donne le prétexte de poser des questions sur l’agent, sur les investissements, sur les finances des gens. Et comme ils savent déjà à quoi s’attendre, ça me permet de poser des questions qui seraient peut-être taboues dans un autre contexte. Et le but, c’est de rendre ça plus compréhensible, tout ce qui est finances personnelles.Donc aujourd’hui, comme je l’ai déjà mentionné, je suis avec François Gilbert. Son parcours est vraiment intéressant parce que, en tant que président d’Anges Québec, c’est un ange financier qui investit dans plein d’entreprises, mais surtout privées.

    Donc, il est peut-être moins un investisseur boursier, mais il a quand même eu une carrière assez particulière où il a eu des responsabilités très vite. J’ai hâte de commencer l’entrevue ! Tout d’abord, merci beaucoup François d’avoir accepté de nous rencontrer.

    FG: Salut Julien ! C’est amusant parce qu’effectivement, moi je suis conscient que s’il y a un secteur au Québec qui est tabou, c’est l’argent. Je pense qu’on ferait une émission sur le sexe, et les gens seraient plus ouverts que de parler que de leur argent. Mais, aujourd’hui, je m’engage, pour l’occasion, d’enlever ma chemise, peut-être pas mes petites culottes, mais la chemise je suis prêt à faire ça avec toi Julien.

    JB : Et bien merci beaucoup.

    FG : Fais plaisir !

    JB: Je vais commencer par une question avec laquelle je commence toujours l’émission. C’est quoi ton premier souvenir lié à de l’argent dans ton enfance ? Le seul critère pour se souvenir là, c’est qu’il faut que tu te souviennes du montant précis d’agent qui était impliqué.

    FG : Intéressent! Le montant exact, c’est 15 000 $.

    JB : C’est un bon montant !

    FG : C’était mon cadeau de Noël à 15 ans.

    JB : Comment tu as eu 15 000 $ à l’âge de 15 ans ?

    FG : Alors j’étais dans un contexte particulier, mon père était en affaires et mon père était alcoolique. Mon idole, mais alcoolique. On a tous des caractéristiques. Alors ce que ça fait un alcoolique qui a de l’argent, ça se sent mal. Et ce que l’on fait quand on se sent mal, on donne de l’argent. Donc, j’ai toujours eu de l’argent plein les poches. Je m’en rappelle, à 17-18 ans, je sortais, je pouvais avoir 5000 , voir 10 000 $, dans mes poches et il n’y avait pas de problème avec ça. Donc à 15 ans, c’est drôle parce mon père m’avait donné ça dans un genre de gros cannage, comme une boite de tomates, à Noël. Alors là j’avais pris l’ouvre-boite électrique, qui fait le tour. Et qu’est-ce qui avait dedans… 15 000 $. Le pire Julien, c’est que j’avais rien à faire avec ça, j’avais déjà tout. À 16 ans, j’avais une auto sport, une motoneige.

    JB : C’était une canne, alors est-ce tu pensais que ton père essayait de te faire une blague en t’offrant du cannage ?

    FG : Non, je savais pas, c’était pas grave. Tu sais, de l’argent, ça n’a pas la même signification quand t’en a besoin et quand t’en a pas besoin. Qu’est-ce que ça te donne à 15 ans d’avoir 15 000 $ ? La réponse : rien. Si je t’ai donné à 15 ans 15 000 $ et à 16 ans, je te donne 16 000 $, qu’est-ce que ça change d’avoir 16 000 de plus que le 15 000 ? La réponse c’est toujours rien.

    JB : Est-ce que tu l’avais placé à l’argent? Ou est-ce que tu faisais juste te promener avec ça dans ton portefeuille?

    FG : Je le plaçais effectivement. Et ça change la vie pour le bien, parce que toute ma vie j’ai eu de l’argent. J’ai jamais été dans le contexte. Par exemple, je sais pas combien je dépense, j’ai jamais su combien je dépensais. Je dépense raisonnablement, je considère, et est-ce que c’est raisonnable, tout est relatif. Alors quand j’ai des priorités, le voyage, les enfants, la santé, l’éducation, je dépense. À part ça, je suis pas quelqu’un qui va se payer des bouteilles de vin à 500$, j’ai pas besoin de ça dans ma vie.

    JB : Quand on a 15 ans, on connaît plus ou moins la valeur de l’argent. C’est quoi la chose la plus superflue que tu as fait avec ton argent avant d’avoir 18 ans?

    FG : Avant d’avoir 18 ans, pas grand-chose parce que de toute façon, mon père payait tout quand même.

    JB : Alors as-tu un exemple de tes possessions ? Tu m’as mentionné une voiture sport…

    FG : Ça c’était amusant! J’étais, à ce moment-là, au séminaire de Chicoutimi. Je me rappelle, j’étais en réunion, parce que je faisais beaucoup de syndicalisme étudiant. Et à un moment donné, ça sonne à la porte un après midi de printemps. Ça cogne à la porte, un de mes amis va ouvrir et dit «C’est ton père». Alors j’arrive à la porte, et il me dit : «Tiens ça c’est les clés, c’est l’auto bleue en avant, c’est à toi.» Bon alors qu’est-ce qu’on dit : «Merci beaucoup papa!»

    Tu sais, c’est un monde irréel. Et en plus, comme si c’était pas assez, je devais avoir 17-18 ans et à un moment donné, avec un de mes amis Charles Sirois, on décide de partir une entreprise. Parce que j’avais le sens de l’argent et puis j’étais élevé dans l’argent, j’étais avec des gens d’affaires. Mon père est un homme d’affaires, il me tenait toujours au courant de ses affaires. D’ailleurs, une chose fantastique pour les gens d’un certain âge. Moi mon père, quand j’avais 12-13-14 ans, dans le quartier, c’était un homme bien vu. Il me disait : «François, j’ai une décision importante à prendre et j’aimerais savoir ce que tu en penses.» Et là je disais : «Papa, c’est pas moi l’homme d’affaires, c’est toi.» Il me disait : «Tu sais François, tu as un bon jugement.» Alors là, il me présentait la situation naturellement où il me donnait la solution. Mais, ça finissait toujours de la même façon. «Tu sais François, j’avais pas prévu ça comme ça, j’avais pas vu ça comme ça, mais c’est ça que je vais faire.» Qu’est-ce que ça fait ça dans la vie ? Ça construit, ça donne une force. Et ce côté-là de mon père, de me supporter dans mes ambitions, dans mes rêves, a toujours été pour moi plus important que l’argent qu’il m’a apporté.

    À 17-18 ans, un jour mon père me dit, je me rappelle un matin, : «François, il faudrait aller, cette après-midi, sur le comptable, j’ai quelque chose à vous expliquer.» J’ai un frère. Alors j’arrive là, et à ce moment-là, mon père dit au comptable : «Explique-leur!» Alors le comptable dit : «Votre père a décidé de se donner de son vivant. Alors François, tu as 45% des entreprises familiales, des actifs. Richard, tu a 45% et ton père se garde 10%.»

    JB : À quel âge ça ?

    FG : 17-18 ans

    JB : C’est spécial. C’était quoi la raison? Est-ce qu’il était rendu très vieux ?

    FG : Non il devait avoir 55 ans. Mon père est un innocent, un innocent d’amour. Il nous aimait, il avait confiance en nous. Quand je dit un innocent, c’est dans son bon sens. Dans le sens du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Pour lui, c’était correct, il avait confiance en nous. Il s’est dit qu’il allait régler ça tout de suite et qu’il n’avait pas d’inquiétude avec ça. C’est pas tout le monde qui fait ça. Mais là, tu sors de là et tu te dis : « Youhou, je suis millionnaire moi.»

    JB : Combien ça valait à l’époque les 45%?

    FG : Je ne sais pas, mais beaucoup d’argent. Assez d’argent pour que je me rappelle qu’un jour, je me suis dit : «Est-ce que j’ai besoin de travailler dans ma vie?»

    JB : Et là il y avait des dividendes, parce que c’était une compagnie privée…

    FG : Oui, il y avait des dividendes, on avait des immeubles, un commerce, on avait de l’argent, on avait tout ce qu’il faut. Et là je me suis posé la question : «Est-ce que j’ai besoin de travailler dans la vie?» Et là j’ai répondu oui. Alors ça, ça explique, aujourd’hui, Julien, quelque chose. J’ai 67 ans et je continue à travailler aussi fort qu’avant. Pourquoi? J’ai jamais eu besoin de travailler, j’ai jamais eu besoin d’un plan de pension, j’ai toujours travaillé pour mon réaliser. Alors ça change absolument rien que j’ai 67 ans. Je le raconte parce qu’il y a des gens qui vivent ça dans la vie et qui se disent, «Comment je fait dans ça? C’est un parcours un peu spécial». Comment, Julien, tu aurais fait pour sortir avec tes chums, prendre une brosse avec 10000 $ dans tes poches? Est-ce que tu paies la tournée à tout le monde? Tu fais quoi?

    JB : Est-ce que tu sentais une espèce de pression parce que ton père était un homme qui avait eu beaucoup de succès? Il y a des enfants, souvent, qui sentent l’espèce de pression, mais peu importe comment je travaille, ce que je fais, ça va toujours être moins que ce que mon père à fait. Et souvent, c’est des gens qui, justement, développe des problèmes de toxicomanie ou qui font des zigzag dans la vie. Est-ce que, toi, dans ton cas, ça t’a affecté?

    FG : Rappelle-toi, quand tu parles de toxicomanie, mon père, qui était alcoolique, donc c’est un environnement avec lequel j’ai jamais eu de problème avec ça. Ça a eu l’effet, c’est jamais neutre ces éléments-là. Alors tu prends plus de boisson ou moins de boisson. Dans mon cas, j’ai jamais eu ce bout là particulier. Mais comment ça t’amène, oui j’ai vécu ça. Alors j’ai été longtemps le fils de quelqu’un. D’ailleurs sors un truc, ça c’était parfait avec les filles. Je sortais avec des filles et j’allais les chercher à la maison. Quand j’arrivais chez elles, j’étais le garçon à Marcel. Marcel, c’était quelqu’un de bien, de bien en vue, donc son garçon c’est bien. Alors, rapidement, j’ai voulu me créer moi même. J’ai une caractéristique : j’ai des problèmes d’apprentissage. Alors la dernière année que j’ai passée, c’est mon secondaire trois.

    JB : Qu’est-ce que tu veux dire par problèmes d’apprentissage? Es-tu dyslexique?

    FG : J’ai tout! Quand je lis ça, j’ai tout! Les «b», les «p». Je ne suis pas capable d’écrire une phrase sans avoir dix fautes dedans. Quand un professeur voulait savoir il y avait combien d’étudiants dans une classe, sais-tu quelle question il me posait ? Quel rang es-tu François? Alors quand j’étais 35e, il y en avait pas 36, ça je peux t’assurer. J’ai été élevé dans ça, mais pourtant, j’ai un niveau d’intelligence acceptable. Mais, à un moment donné, j’étais confronté dans ça. Alors, j’ai rapidement pris un tournant, le tournant organisateur en chef. J’organisais tout.

    JB : Par exemple ?

    FG : Par exemple, à 16 ans, j’ai organisé une marche pour le tiers monde. On avait prévu amasser 20000 $ et on a amassé 15000 $.

    JB : Alors c’est un peu la même chose que tu as fais avec les Anges.

    FG : Écoute, tu as tout à fait raison Julien ! Le métier que je fais aujourd’hui, je le fais depuis l’âge de 16 ans. Lorsque j’étais au cégep, j’étais sur 16 associations, président de 11. À 18 ans, j’étais sur un conseil d’administration d’une caisse populaire. À 24 ans,  je fondais un Centraide. J’ai toujours fait la même vie que je fais là.

    JB : Est-ce que tu as dirigé l’entreprise familiale?

    FG : Mon frère était plus vieux que moi. Alors un jour, dans un moment tout à fait particulier. Je pense que je vais le raconter, parce que c’est unique dans ma vie. C’est un des beaux moments dans ma vie. Mon père était mon idole. J’avais une relation avec mon père extraordinaire. Comment fais-tu pour annoncer à ton père que tu vas quitter l’entreprise familiale? Alors un jour, je demande à mon père de rentrer dans mon bureau. Il rentre, il s’assoit, il dit «Qu’est-ce qui a?». Je lui ai dit : «Papa, j’ai quelque chose d’important à te dire. J’ai juste un problème, avant de te le dire, je sais pas qui tu es pour moi.» Alors là il me regarde en me disant : «Tu veux dire quoi?» Je lui ai dit : «Tu sais, tu es mon père, tu es mon patron, tu es mon associé et tu es mon ami. À qui je parle aujourd’hui? Ce que j’ai à dire, je le dirai pas de la même façon.» Alors là il m’a dit : «Ton père, j’ai toujours été fier de l’être et je le serai toujours.» Je sais pas si ton père t’as dit ça toi une fois dans ta vie, mais on le retient toute sa vie. Alors après ça, il dit : «Tu sais ton patron, je le suis mais, on avait pas ce type de relation là, on avait plus, c’était à un autre niveau.» Et c’est vrai qu’il était mon patron. Il dit : «Associé, ce n’est seulement que des papiers et ça veut rien dire.» Et là il prend quelques secondes d’arrêt et dit : «Par contre, si tu me considères comme ton ami, ça c’est un privilège.» Et c’est ça que je choisis. Alors là, je l’ai regardé et j’ai dit : «Papa, je quitte l’entreprise familiale, je réoriente ma vie.» Et là j’ai été ferme avec lui.

    JB : Tu avais quel âge à ce moment-là ?

    FG : J’avais 28 ans.

    JB : Et puis de 18 à 28 ans est-ce que tu avais l’entreprise familiale à temps plein?

    FG : Oui mais, en même temps, un autre phénomène Julien. C’est intéressant pour bien comprendre. J’étais riche, mais je me sentais coupable.

    JB : Pourquoi ?

    FG : Parce que je ne considérais que ma vie n’était pas une vraie vie. Comme aujourd’hui d’ailleurs, je vie pas une vraie vie.

    JB : Pourquoi c’est pas une vraie vie ?

    FG : C’est pas une vraie vie parce que c’est pas la vie de tout le monde. En tout cas, ce n’est pas celle-là. Il y a combien de gens pour qui la question financière est pas vraiment un problème ? Alors je me sentais coupable. Quand tu te sens coupable, fonder un Centraide c’est bien ça. À 18 ans, j’étais sur le conseil d’administration d’une caisse populaire. À 18 ans, j’étais au Grand mondial de la jeunesse aux Nations Unies. Et donc je m’exprimais, c’était donc intéressant. Et la tu vas voir le bout avec Anges Québec, et tu vas comprendre quelque chose. Le jour, j’étais un homme d’affaires, j’étais à l’aise et le soir, j’étais un bénévole.

    Aujourd’hui, chez Anges Québec, je suis les deux en même temps.Parce que je suis un homme d’affaires, mais en même temps, je contribue à créer ma société. C’est fantastique pour un gars comme moi d’arrêter de se sentir coupable.

    JB : Est-ce que tu prends un salaire en tant que président d’Anges Québec?

    FG : Je prends un salaire, oui. Mais honnêtement, dans les trois dernières années, je l’ai pas indexé. Et c’est correct, ça en prend un. Et surtout en se disant, un jour, je vais partir. Quand je vais partir, il va falloir qu’ils paient quelqu’un. Alors, ils sont aussi bien de s’habituer à le faire tout de suite.

    JB : Tu n’es pas obligé de me répondre, mais je pose toujours la question. C’est combien ton salaire?

    FG : Aujourd’hui, chez Anges Québec, c’est à peu près public, c’est un OBNL (organisme à but non lucratif), 150 000.

    JB : J’ai une autre question, pour ceux qui nous écoutent. Est-ce que tu peux dire c’est quoi la nature de l’entreprise familiale, c’était de la transformation d’aluminium?

    FG : Non, non. Ça c’est intéressant parce que ça aussi, regarde je suis un vendeur dans l’âme. Bijouterie! Dans le secteur de la bijouterie, qui est le commerce de détail.

    JB : Est-ce que c’était une chaîne de bijouterie, parce que ça l’avait l’air gros?

    FG : Non.

    JB : C’était juste une bijouterie, mais qui était très rentable?

    FG : Oui. Et je me rappelle dans le temps des fêtes, on avait 100 employés.

    FG : On était la bijouterie au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Et c’était des années folles dans la bijouterie. Les gens avaient une chaine, je m’en rappelle, à 14 pouces dans le cou, 16 pouces, 18 pouces, 20 pouces, 22 pouces. C’était complètement délirant ! Ça c’est un secteur très particulier, avec des contraintes. Entre autres, toute la question de sécurité. En tout cas, c’est un univers.

    JB : Est-ce qu’il y a eu des vols à main armée, des trucs comme ça ?

    FG : Non, mais ça n’empêchait pas que je travaillais avec un 38 dans le dos et un 12 dans mon bureau. Alors ça, je ne sais pas si tu as déjà fait ça, ce n’est pas nécessairement le plus agréable dans la vie. Parce que quand tu as de l’argent, il y a un élément. Il y a la protection de l’argent. Et la protection de l’argent, on peut dire, avoir un 12 c’est de la protection de l’argent. Mais tu as d’autres phénomènes de protection d’argent comme à qui tu parles. Est-ce que tu parles à des gens que tu penses qui sont avec toi pour avoir ton argent. C’est tout ça qui change la vie.

    JB : Qu’est-ce que tu fais différemment d’un autre ? Parce qu’il y a de la chance que …

    FG : Aujourd’hui, pas grand-chose. Sauf que naturellement, par exemple, regarde j’ai jamais eu de fonds de pension. Est-ce que j’en ai besoin? Non, c’est clair. Par exemple, qu’est-ce que ça change dans la vie ? J’ai été souvent, j’ai changé de défis, de jobs… pas juste de jobs, je changeais de secteur. Et naturellement, les gens disaient : «François, tu as du courage. Tu lâches ta job, sans savoir ce que tu vas faire.» Bien non, ce n’est pas du courage, ça change pas ma vie. C’est pour ça qu’en ce sens là, quand je dis, c’est pas la même vie.

    JB : Et je te ramène quand tu as quitté l’entreprise familiale. Est-ce que tu es resté propriétaire à 45%?

    FG : Non, j’ai vendu à mon frère. Moment difficile dans nos relations, très difficile. Qu’est-ce que ça vaut l’entreprise? Mais ça, c’est une chose que j’ai apprise dans ce temps-là. Quand je quitte quelque part, je tourne la page. Quand j’ai eu mon usine de transformation d’aluminium et que je suis parti, j’ai vendu. Parce que je veux pas vivre dans le passé. Le présent et le futur doivent prendre la place. Si j’avais gardé des liens dans tout ce que j’ai fait dans le passé, j’aurais pas de temps pour m’occuper du futur aujourd’hui. D’ailleurs, tu sais, pour moi être jeune, c’est ça. C’est simple être jeune et être vieux. C’est quand je te parle est-ce que tu me parles des choses passées ou est-ce que tu me parles des choses futures?

    JB : Et bien là je fait une entrevue à saveur biographique. Alors je parle surtout du passé.

    FG : Exact! Mais c’est pas ma vie ça. Par exemple, un cas typique d’un jour de hockey. Un joueur de hockey, c’est typique. À un moment donné, il prend sa retraite, admettons à 35 ans. Après, ce qu’il fait le reste de sa vie, il parle de l’année durant laquelle il avait compté  30 buts. La première année, c’est pas grave, quand il y en a 36 et qu’il a pris sa retraite à 35.

    Mais quand il est rendu à 55 et qu’il s’en va encore à la télévision. Ce dont il parle, c’est l’année durant laquelle il avait compté 30 buts. Ça, pour moi, c’est vivre dans le passé. J’ai pas le goût du passé. Moi, j’ai le goût du futur. J’ai le goût de nouveaux projets, j’ai le goût d’aller de l’avant, j’ai le goût de changements.

    JB : Est-ce que, quand tu as quitté l’entreprise familiale, c’est là que tu t’es lancé dans une compagnie de transformation d’aluminium?

    FG : Oui. D’abord première chose Julien, les défis, un petit défi. Moi j’ai été admis à la maîtrise. J’avais pas de BAC (baccalauréat), j’avais pas de cégep, j’avais pas de secondaire .

    JB : Comment as-tu fait? Alors ça c’est une histoire avec laquelle on pourrait faire une autre entrevue.Mais moi je crois en ma puissance. Je vais te dire. Hier, j’étais avec des gens à l’ÉTS (École de technologie supérieure). Et je dis toujours, un entrepreneur, c’est pas quelqu’un qui réussit plus souvent que les autres. Tu le sais toi. Regarde, toi, parce que je pourrais t’en faire une entrevue aussi. Un entrepreneur, c’est juste qu’il faut que ça soit plus souvent que les autres. Et puis, que tu lâches moins souvent que les autres. Parce que ton parcours, il n’a pas été nécessairement facile.

    JB : Je pense que c’est facile pour personne.

    FG : Il y a des gens des fois pour qui c’est un peu plus facile, mais c’est passager. La détermination est coeur de tout. D’après moi, de la réussite. Alors la détermination, notre capacité de bien s’entourer de gens qui vont nous aider, qui vont nous apporter leurs conseils, ça a toujours été l’histoire de ma vie ça. Moi je connais rien dans rien. J’ai cet avantage là, parce que mes études… j’ai étudié dans rien. Les gens me regardent : «Es-tu comptable, es-tu avocat?» Non.

    JB : Mais tu as fait une maîtrise en quoi ?

    FG : En gestion des petites et moyennes organisations. Mais là c’est amusant. Je suis entrée dans cette maîtrise-là avec une idée : partir une entreprise. Effectivement, deux ans après, avec un de mes amis, j’ai démarré une usine de transformation d’aluminium. Un secteur que je connaissais pas du tout.

    JB : J’ai une question pour toi parce que tu t’es retrouvé jeune avec beaucoup d’argent. Est-ce que t’étais en compagnie, tu me parlais de choisir les bonnes personnes? Comme tu le sais, quand il y a de l’argent, il y a des gens aussi qui vont se dire : «C’est un jeune, je vais l’organiser.» Comment tu as fait pour filtrer? J’imagine que tu as vu des conseillers financiers ou des gens qui t’ont aidé…

    FG : C’est intéressant, parce que je te dirais qu’au départ, tu développes comme un filtre. Tu as comme un instinct, un automatisme. J’avais un de mes amis, par exemple, avec lequel je sortais. Quand on arrivait pour payer la facture, il avait jamais d’agent dans ses poches. Alors il me regardait toujours en disant, et bien toi François t’en as. Alors je payais pour lui. C’était Charles Sirois. Charles avait jamais 5 cent dans ses poches. Mais Charles, il me le rendait toujours. Il me le rendait à court terme et il me l’a rendu encore plus à long terme.

    JB : Lui, est-ce qu’il venait d’une famille …

    FG : Aisée aussi. Charles était d’une famille bien aisée. D’ailleurs, c’est amusant. Chacun, nos pères étaient des gens d’affaires de Chicoutimi, bien connus. Et on avait plusieurs de nos amis qui étaient dans cette situation là. Pas tous et c’est intéressant. On avait de nos amis qui étaient pas riches, mais qui le sont devenus, eux autres, riches. Ce que ça amène, en passant, c’est que j’ai eu l’argent, j’ai de l’argent, mais j’ai jamais couru juste après l’argent. J’ai toujours couru après la réalisation de quelque chose. C’est sûr, j’en avais et quand tu en as, ça te manque moins que quelqu’un qui l’a jamais fait.

    JB : Comment tu as financé cette entreprise là d’aluminium ? Tu es allé chercher des investisseurs extérieurs ou…

    FG : Ça Julien, tu vas rire. Mais il y a des histoires qui vont te montrer ma nature. Moi, je connais rien à l’aluminium. Je veux me partir une usine. J’ai aucune idée. Alors qu’est-ce que je fais? Je vais voir Léo Godet, contremaître chez Alcan, le père d’une de mes amies. Je dis : «Léo, j’ai des questions pour toi. Un, est-ce que tu penses que se serait bien qu’on transforme l’aluminium dans la région.» «Oui.» «Deux, Léo, as-tu des idées sur des produits?» «Non François, moi tout ce que j’ai fait, toute ma vie, c’est des lingots.» «Trois, Léo…» Et ce que je dis là, en passant, ça s’applique à tous les entrepreneurs. Partez-vous sur une idée qui vous intéresse, faite cet exercice-là et puis vous allez voir, ça va marcher.

    Alors : «-oui ce serait une bonne idée de faire ça, -Non j’ai pas d’idée, -Léo, connais-tu quelqu’un qui pourrait m’aider?» Alors Léo me transfert à son contremaître général. Au contremaître général : trois questions. Il me transfert au directeur d’usine, au directeur régional. Je me ramasse au bureau chef. Et un jour, à force de jouer à ça, quelqu’un dit, je veux que tu rencontre quelqu’un. Qui? je te le dis pas. Je rentre ici à Montréal dans un bureau. Je vois au bout de la salle le gars assis à son bureau, David Morton président d’Alcan International.

    JB : Tu avais quel âge quand tu l’as rencontré?

    FG : J’avais 30 ans. Et là, j’entre dans la salle. Je sais pas pourquoi je me suis dis cette absurdité-là, mais, je m’en rappelle exactement. C’est : j’ai pu trois questions. Parce que la troisième, avez-vous quelqu’un à me présenter, elle existait plus. C’était lui! Alors David Morton me dit : «Monsieur Gilbert, oui, c’est une bonne idée de transformer de l’aluminium au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Deuxièmement, j’ai pas d’idée, mais je vais vous trouver un projet. Et troisièmement, Monsieur Gilbert, je vais vous fiancer.»

    Le plus drôle est qu’il m’explique qu’il veut démarrer un fonds de capital de risque. Et que là, il s’en vient voir justement le recteur de l’Université du Québec à Chicoutimi, Monsieur Riverin pour parler de ça. Moi je descends au Saguenay, j’ai mon directeur de maîtrise Adam Lapointe. Je vais voir Adam, qui est économiste, et je lui raconte ça. J’ai dit : «Adam, pourquoi c’est pas toi qui le pars le fond? Parce que tu es économiste et Monsieur Riverin c’est ton chum, arrange toi pour être en réunion.» C’est ça qui s’est passé. Alors mon directeur de maîtrise est devenu le président et son premier investissement a été dans ma compagnie. Remarque qu’il était placé drôlement pour pas investir. Aujourd’hui, tous ces gens-là sont encore mes amis.

    JB : J’ai une question parce que tu es passé d’entrepreneur à investisseur et après, tu es allé travailler avec Charles Sirois. Je n’ai pas la chronologie, mais est-ce que c’était l’époque de Télésystème? Et je pense que ton rôle c’était d’investir …

    FG : J’étais responsable de ses placements privés. Donc, je m’occupais de ses affaires familiales. Charles est un ami de 50 ans. Alors j’ai fait ça. Mais parmi ça, on faisait des placements privés.

    FG : Comment as-tu fais la transition? Parce que, justement, je lisais une entrevue que tu as faite récemment. Tu disais, par rapport Aux dragons, qu’il y a une différence entre le métier d’entrepreneur et le métier d’investisseur. Dans Les dragons, c’est des entrepreneurs qui font comme s’ils étaient investisseurs. Il y en a qui sont des vrais investisseurs et d’autres qui le font plus à la télé. Comment tu as fait cette transition-là? On va régler quelque chose aussi, si je suis entrepreneur, pas investisseur, et on m’invite d’aller Aux dragons, qu’est-ce que tu vas faire? Qu’est-ce que tu ferais s’ils t’invitaient Julien? Tu irais, tu te dirais de la visibilité! Le problème à travers ça, c’est qu’à un moment donné, les dragons, certains dragons, il faut être honnête, certains dragons vont là pour la visibilité. Et puis les entrepreneurs, pourquoi ils vont là maintenant, pour la visibilité. Parce qu’ils savent qu’ils ne feront pas un investissement. Alors ça perd, un petit peu, de crédibilité. D’ailleurs, à un moment donné, on parle des dragons, mais la gang qui gère cette émission-là, eux autres, j’espère qu’ils se posent des questions. On les voit pas, on les attaque pas. C’est bien correct, j’ai pas besoin d’attaquer personne. Mais je suis convaincu que ces gens-là doivent se dire «Est-ce qu’on a des leçons à apprendre?»

    JB : C’est surtout qu’il y a des gens qui n’ont pas beaucoup de liquidité qui se retrouvent là. Oui, mais il y a une question aussi. Investisseur. Allons-y deux choses. On va parler d’investissements privés et on va parler d’anges, si tu permets. La différence entre les deux est qu’un investisseur privé met de l’argent et après va chez lui. Un ange, pour moi, ça veut dire que je travaille avec toi. Et ça demande du temps faire ça, ça demande des ressources. Alors comme entrepreneur, est-ce que tu l’as ce temps-là? Caroline Néron, fantastique, la fille a du guts (courage). La fille, elle est partie. Elle était dans les revues de mode et puis elle est rendu entrepreneuse et elle a des magasins. Elle a du guts (audace). Mais c’est sûr que son temps, où est-ce qu’elle doit le privilégier? Dans son entreprise, c’est évident. Alors, j’ai appris ce métier-là. Charles a été un excellent professeur pour moi. J’ai appris comment on fait ça trouver les bons entrepreneurs. Première chose d’abord, on dit qu’on investit dans une entreprise. C’est faux. On investit dans un entrepreneur. Moi j’ai un slogan très simple : Je suis prêt à investir dans n’importe quoi, mais pas avec n’importe qui. Donc, je choisi un entrepreneur, dans un projet qui a de l’allure, que je pense porteur. Je négocie mes termes et conditions. C’est important, une mauvaise négociation peut m’enlever toute ma valeur. Je contribue, avec l’entrepreneur, à augmenter sa valeur. Et puis, à un moment donné, on se prépare une sortie dans 8 ans, 10 ans, 12 ans. L’entrepreneur décide lui-même quand c’est assez habituellement.

    JB : Dans quelle mesure c’est différent… Est-ce que tu as des investissements en Bourse?

    FG : Oui. Eh bien oui et non. Alors ça c’est intéressant. Moi, dans mes avoirs personnels, j’ai vraiment deux catégories, mais complètement séparées. La grande partie de mes avoirs est gérée par des professionnels. Les mêmes professionnels depuis 30-40 ans. Je veux pas les voir. Ils m’appellent habituellement une fois par année, des fois deux fois par année. C’est leur métier de le faire. Et puis, ils le font mieux que moi. J’ai pas d’intérêt par rapport à ça. De savoir que l’action de Coke, elle monte ou elle descend, ça ne m’intéresse pas. J’ai pas ça comme intérêt. Par contre, je me garde une partie, effectivement, pour mes placements privés. Alors ça je trouve ça intéressant, ça c’est challengeant. C’est ça qui me motive.

    JB : Pourquoi tu n’as jamais … parce que tu es bon pour trouver, justement, les entreprises privées qui vont avoir du succès. Et puis, selon moi, c’est beaucoup plus difficile parce que la plupart finissent par exploser. Quand je dis exploser, je veux dire finissent, ça dépend dans quel secteur. Mais le taux de survie des petites entreprises est plus bas.

    FG : Oui, mais Julien, je vais t’expliquer. Chez Anges Québec, notre taux de mortalité est très faible,

    JB : C’est quoi ?

    FG : 10%, 15% peut-être. Pourquoi ? On pourrait dire : « Vous les choisissez.» D’après moi, non. La principale raison pour laquelle les entreprises durent plus longtemps avec nous, c’est parce qu’on est impliqué avec eux, à travailler avec eux. L’expérience fait la différence. L’argent ça a pas de couleur, tu en prends n’importe où. Mais l’expertise, que quelqu’un peut t’amener, quelqu’un qui a vécu des problèmes, qui a passé au travers et qui travaille avec toi, ça a une grande force.

    JB : J’ai fait un petit détour.

    Et la question que je vais te poser c’est : Est-ce que ça ne t’a pas jamais tenter d’utiliser ton habileté à, justement, identifier qui est la bonne personne pour gérer l’entreprise? Tout ce que tu fais pour trouver une bonne entreprise dans le secteur privé, n’as-tu jamais eu envie d’appliquer ça au marché boursier? Ça m’intéresse pas. Entre autres, il faut comprendre quelque chose. Quand j’étais avec Charles, Charles était beaucoup sur le marché boursier. Alors à un moment donné, tu regardes. Il y a des matins, quand je rentrais, admettons que l’action de Fido prenait Microcell, prenait 25%. Je disais à Charles : «Pourquoi on a pris 25%? Est-ce qu’on a eu des bonnes nouvelles?» Non, parce qu’une compagnie à Londres, dans le même secteur que nous, a eu des bonnes nouvelles. C’est quoi? L’opposé est aussi vrai. À un moment donné, un secteur dégringole et ça n’a rien avoir avec toi. C’est pas mon univers. Mais autre chose aussi, c’est le niveau d’influence que tu peux avoir. En petites compagnies, tu parles entre entrepreneurs, tu travailles avec l’entrepreneur. La grande compagnie, c’est pas le même univers.

    JB : Mais est-ce que tu n’as pas le même phénomène dans les entreprises à capital fermé qui a un gros financement soudain d’une compagnie dans le même secteur.

    FG : Vois-tu par exemple, je suis administrateur chez SonMax. Avec SonMax, on a fait une transaction importante, un financement de 350 millions. Ça j’aime ça. J’aime ça, parce que j’étais vraiment dans une situation d’influence. Il faut connaître ses limites. Moi, je suis fait pour des choses intéressantes, mais dans des petites entreprises, dans des choses que je connais et surtout avec des gens avec qui j’ai le goût de travailler. Mon plaisir, c’est de réussir avec des gens qui écoutent de temps en temps et en lequel je peux apporter une contribution significative.

    JB : C’est quoi le plus gros rendement que tu as obtenu en faisant un investissement privé à ton compte?

    FG : 98 fois.

    JB :  98 fois… mais c’est quoi le montant de 98 fois ?

    FG : C’est pas assez. Parce quand quand tu te rends là, j’aurais pu investir plus d’argent. Avec Taleo à Québec, j’ai fait 98 fois ma mise. Ça pour bien le comprendre, ça veut dire que tu réinvestis le même montant 97 fois. Si tu les perds, tu n’as pas encore perdu d’argent. Mais ça, c’est intéressant. Il y a des gens qui vont nous écouter et qui vont dire : « Gilbert il est bon.» Non non. «Que je suis chanceux.» Pas nécessairement. J’en fais plusieurs. Ça fait partie d’une stratégie.

    JB : Tu en as fait combien ?

    FG : Directement et indirectement, des dizaines, ça c’est clair. Parce qu’après ça, après 10 ans avec Charles, je suis tombé avec un autre de mes amis Alain Allard, qui avait vendu sa compagnie Adetex 195 millions. Et puis on en à fait 24. Alors il nous en reste 4-5 en portefeuille, dont AVO, dont Acces Network. Et alors moi, mon métier, aujourd’hui, je vais t’expliquer c’est trouver des bons chevaux, les encourager, ceux qui ont le potentiel, dans leur développement. Beaucoup de gens, après ça, se disent quand j’ai mon cheval je le vends. Non non, moi je suis pas vendeur. Ça ne m’intéresse pas de vendre. Moi, j’attends que quelqu’un vienne m’acheter. Et on se comprend que ce n’est pas le même prix. Alors, il y a des gens qui mettent dans fort… La compagnie vaut 20 millions, il faut de dépêcher de vendre. On avait investi sur 2 millions. Non non. Ça te prend des vrais coups de circuit pour compenser.

    JB : Et puis, tu as deux partie de ton portefeuille. Est-ce que ta partie privée a des meilleurs rendements que la partie  suggérée par des pro?

    FG : Je le sais pas.

    JB : Comment ça ?

    FG : Et puis je veux pas le savoir, c’est pas pour ça que je le fais?

    JB : Est-ce que tu calcules ton IRR?

    FG : Non, pas du tout. Mieux que ça, quand j’investis dans une entreprise, je fais un chèque. Et quand je signe mon chèque, par habitude, je suis toujours dans le contexte de me dire, c’est de l’argent perdu. Donc, pour moi, un investissement privé, c’est perdu. Alors quand tu as l’opposé, tu comprends que toutes les années où tranquillement la valeur baisse. Ce qui est le cas habituellement les premières années. J’ai pas de deuil à faire. Il est fait au complet mon deuil. À l’opposé, aussitôt que la compagnie commence à prendre de la valeur, c’est parfait mon affaire. Parce que ma valorisation était à 0 dans ma tête. Et alors j’ai mis 50000 , ça vaut 5000 , j’ai fait 5000 . Ça vaut 50000 , yes j’ai fait 50000. Alors c’est une technique qui est correct, je pense.

    JB : Et puis, j’ai une question pour toi. Pour les gens qui désire joindre Anges Québec, devraient-ils faire ça pour accéder à une autre classe d’actifs ou se diversifier ou pour donner au suivant? C’est quoi la principale motivation pour commencer à donner au Anges.

    FG : Non, je vais t’expliquer. Les gens qui viennent chez nous comme membre, ils sont malades et puis notre job, c’est de les soigner. Est-ce que tu sais de quoi ils sont malades?

    Je te prends Julien. Tu as ton entreprise, tu la développes. À un moment donné, tu la vends, tu en pars une autre. Il arrive un temps, où tu va te dire que tu es tanné de faire ça. Que tu as plus le goût d’en partir une autre. Mais admettons que tu as  millions dans ton compte, c’est quoi tes choix? Tu ne veux pas en partir une autre, mais tu veux pas rien faire. Tu veux pas passer tes été à voyager et puis tes années à voyager et à faire du sport. Tu veux être actif. C’est là que tu es malade.

    JB : C’est pour l’excitation? Alors les gens qui viennent chez nous, on trois raisons. Quand on rencontre quelqu’un, s’il lui manque une de ces trois raisons-là, c’est pas quelqu’un qui a une caractéristique d’un membre chez nous. La première : gagner. Là gagner de l’argent? Non. Si tu as  millions de dollars, gagner … il y a quelque chose de plus important que de gagner de l’argent, gagner à contribuer à créer quelque chose. Ça nos membres l’ont. Un entrepreneur, c’est un réalisateur, il veut réaliser. Alors c’était le premier élément. Le deuxième élément : faire partie d’un groupe de gens comme moi, de gens intéressant, de gens qui ont une vision. Le troisième c’est celui que tu as abordé : redonner. Il y a deux catégories de gens d’affaires qui réussissent. Il y a des gens qui, et ça t’es arrivé,  à qui tu demandes pourquoi as-tu réussi. Et qui te répondent, moi je suis le plus intelligent que les autres. Des fois ça, ils ne le disent pas, mais tu sais qu’ils le pensent. Ou qui répondent j’ai travaillé plus fort que les autres ou j’ai plus de stratégies. Ça c’est pas des gens qui viennent chez nous. Parce qu’eux autres, ils doivent rien à personne. Eux autres, ils ont réussi, eux-mêmes. Mais la très grande majorité des gens d’affaires réalisent que si dans leur vie, ils n’avaient pas rencontré Monsieur x ou Madame y, ils n’auraient jamais passé au travers.

    Et ces gens-là quand ils arrivent et qu’ils réussissent, ils se disent est-ce que je peux être cette personne-là pour quelqu’un d’autre. Alors quand tu prend ce package là : gagner, un club social et en même temps contribuer à développer des entrepreneurs de la société, ça c’est notre membership.

    JB : Et puis sur le plan financier, j’imagine que contrairement à l’émission des dragons, vous faites des vérifications pour vous assurer que les membres sont assez riches pour faire des investissements privés?

    FG : C’est drôle que que tu amène là, parce qu’il y a la règle de l’AMF (autorité des marchés financiers), la règle d’un investisseur qualifié.

    JB : Est-ce que tu peux l’expliquer pour nos auditeurs.

    FG : Cette règle là est assez complexe, les gens qui veulent. Moi quand je rencontre. Je pense que comme individu, si tu as gagné dans les 250 000 $, dans les trois dernières années, tu es un investisseur qualifié. Le seul problème, si t’en dépense  . D’après toi es-tu un investisseur qualifié? La réponse c’est non. La question que je pose aux gens quand je les rencontre : As-tu au moins un million de dollars de disponible pour investir ? Parce que ça veut dire que si tu investis 50 000 , 100 000 , 150 000 et tu le perds, tu seras pas dans la rue. C’est, je pense, pour nous un élément important. Mais la question que tu as posé, est-ce que les dragons, ils posent la même question? Est-ce que vous avez des investisseurs qualifiés ? Parce que légalement, au Québec, si tu n’es pas un investisseur qualifié, il y a une classe d’actif dans laquelle tu peux pas investir.

    JB : Donc pour investir justement dans une compagnie privée il faut être qualifié.

    FG : Exact. J’avoue que c’est pas toujours respecté, en tout cas ce que je peux voir, mais nous, là-dessus, on demande aux gens de nous signer des papiers.

    JB : À chaque année, quand ils renouvellent, ils viennent confirmer effectivement qu’ils le sont. Tu as un parcours un peu différent de Monsieur, Madame tout le monde en terme de financier. Si tu pouvais passer un message aux jeunes, François Gilbert, sur l’argent, qu’est-ce que tu ferais différemment? Qu’est-ce que tu sais aujourd’hui et que tu ne savais pas nécessairement à 20 ans?

    FG : D’abord, je continuerais à faire des tas d’erreurs, ce que j’ai fait toute ma vie. Moi, me tromper, j’ai pas de problème avec ça. Je réfléchis pas longtemps habituellement avant décider quelque chose. Je pense que ça, c’est important. Par contre, il y a quelque chose que je dirais au gens. Apprenez à vos enfants à vivre avec l’argent tôt. J’ai le privilège d’avoir 5 enfants. Chez nous, vers 10 ans, ils ont tous eux la carte de débit. Je ne sais pas si tu sais, mais avec une carte de débit, tu peux limiter le montant par jour. Alors on mettait ça à 20$. Avec 20$, tu peux pas vider ton compte. Après, vers 15-16 ans, ils ont eux une carte de crédit. Mais une carte de crédit, à 500$, si tu la vide ta carte de crédit, j’aime autant que tu la vides à 15 ans qu’à 25 ans ou qu’à 45 ans. C’est l’apprentissage du développement économique. Aujourd’hui, mes enfants, l’an dernier, j’ai choisi de leur donner une somme, de leur rendre accessible une somme, qu’ils ont placée en gestion privée. De façon à apprendre à gérer l’argent tranquillement. Ça s’apprend gérer de l’argent. C’est comme le reste, pourquoi pas commencer jeune.

    JB : Est-ce que tu leur as montré à investir dans des compagnies privées comme tu le fait ou à investir en bourse?

    FG : Là Julien, on parlait tantôt chez Anges Québec on a un produit fantastique qui s’appelle Anges Québec junior. On en a formé 125 jeunes de 14 à 30 ans où on leur permet d’investir de 100 à 500$ dans des entreprises dans lesquels nous même on a investi.

    JB : Est-ce que tes enfants l’ont fait?

    FG : C’est intéressant, sur mes cinq enfants, j’en ai trois qui l’ont fait. C’est correct, c’est leur choix, les autres n’ont pas le goût et c’est correct.

    JB : Pour qu’on comprenne, il faut être l’enfant d’un membre d’âge Québec pour ça?

    FG : Un enfant, un petit enfant, neveu, nièce. Ça c’est des limitations avec la question de réglementation de l’autorité des marchés financiers.

    JB : Merci beaucoup pour ta générosité François, c’est super apprécié. Merci!

    FG : C’est des parcours, ce qui est intéressant, c’est que beaucoup de gens on des parcours atypiques, ce que je considère mon cas. En ce sens là, on a toujours un message. Quel que soit ton profil. Ou à l’autre extrémité, j’ai pas d’argent, j’en ai jamais eu. Quand tu regardes, il y a toujours un moyen d’arriver quelque part en se respectant et en suivant les opportunités.

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    En charge de la stratégie de contenu de Hardbacon, Paul a construit son expérience auprès des start-ups. Diplomé d’une maitrise en Marketing Stratégique, il est également en charge du marketing opérationnel et de l’analyse de données.