Open Wallet, épisode 3: Georges Laraque

Par Julien Brault | Publié le 03 août 2023

Interview-Georges-La
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Table des matières

    L’ancien joueur de hockey Georges Laraque n’a pas toujours bien géré son argent. Même qu’il a déjà mis une dette de casino de 100 000$ sur sa carte de crédit et a essuyé plusieurs revers en affaires. Malgré tout, il a appris de ses erreurs, et est aujourd’hui investisseur dans plusieurs entreprises à succès, dont Rise Kombucha. Il exploite également l’entreprise de boissons énergisantes BGL Energy et le restaurant végétalien Délicieux Veg Fusion. Le colosse, bien connu pour son régime végétalien, explique ce qu’il a appris de ses erreurs, nous parle de sa philosophie en tant qu’investisseur et de nous parle de ses bons coups. Durant l’interview, il révèle aussi qu’il n’investirait jamais dans une entreprise allant à l’encontre de ses valeurs, et pourquoi il préfère l’immobilier à la Bourse.

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    Julien Brault : Bonjour tout le monde! Bienvenue à Open Wallet. Aujourd’hui, j’ai la chance d’être avec Georges Laraque. Georges Laraque, merci beaucoup d’être venu à mon émission.

    Georges Laraque: Merci de cette invitation.

    JB : Pour ceux qui viennent de se joindre à nous, Open Wallet, en fait, c’est une émission où je cuisine mes invités sur la question de l’argent. C’est quelque chose qui est tabou, mais c’est quelque chose d’aussi qui est présent dans à peu près tous les parcours de vie, car il a tout le temps une dimension financière.

    Puis, en faisant l’émission, je pense que ça peut amener les gens à se poser des questions là-dessus puis à s’occuper de leurs finances. Et étant un ancien journaliste économique, donc, ça donne souvent des histoires intéressantes de suivre l’argent comme on dit. Donc, merci d’avoir accepté de t’être prêté à cet exercice-là.

    Ma première question pour toi, et je la pose à tous mes invités, c’est quoi ton premier souvenir lié l’argent où tu as un montant précis. Donc, même si tu viens d’avoir acheté quelque chose, il faut que tu me dises ça m’avait coûté 1,25$ ou 5000$. Le premier chiffre dont tu te souviens précisément, lié à une transaction.

    GL: Ce que je me souviens plus, quand j’étais jeune, c’est quand je collectionnais des bouteilles pour les échanger pour de l’argent. Quand tu es enfant, tu aimes les bonbons et à un jeune âge déjà, tu comprends que, quand tu recycles les bouteilles de bière et les canettes, tu peux aller au dépanneur puis les échanger contre des gommes et des friandises. Et quand j’étais jeune, étant donné que mes parents me donnaient pas de l’argent pour aller acheter des cochonneries, avec mes amis, ben on s’amusait à checker dans les poubelles pour les canettes, pour les ramener au dépanneur pour acheter de la gomme, puis on s’entend que, dans mon temps,  quand j’avais 5 ans…

    Là, j’ai 42 ans, ça fait longtemps de cela, ça coutait rien, là, tu pouvais acheter des bonbons à 1 cent coûte rien d’acheter des bonbons une cent avec avec une piastre,  tu avais un sac de bonbons bien plein. C’est pour ça que je me souviens de ce temps-là…

    JB: Mais là, tu m’as pas donné mon montant… Est-ce que tu te souviens du plus gros montant que tu es allé chercher avec des bouteilles?

    GL: Ça doit être une couple de dollars; on était une gang avec un sac poubelle.

    On les ramassait, puis on était 3, mais on divisait ça en 3 quand on arrivait au dépanneur, puis on s’achetait pleins de bonbons.

    JB: Puis là, tu es un ancien joueur de hockey. Tu as joué pour les Oilers d’Edmonton pendant des années puis tu as fait partie d’autres équipes. Donc, ça m’amène à une question… En général, les joueurs professionnels commencent jeunes. Quand est-ce que tu as commencé à faire du hockey, comment c’est venu à toi?

    GL: J’ai commencé à 4 ans. Tous les gens qui sont nés à Montréal, quand tu joues au hockey dans les rues, ton rêve c’est de jouer dans la Ligue nationale. Et comme tout le monde, comme tous les jeunes, mon rêve c’était ça et, à cinq ans déjà, quand j’ai commencé, je disais à tout le monde : «Un jour, je vais jouer dans la Ligue nationale» c’est sûr que les chances, à cet âge-là, c’était 0.001%, mais c’était mon rêve puis j’ai toujours travaillé en fonction de ce rêve là et c’est arrivé.

    JB : Ça coûte cher, les équipements de hockey… C’est un sport qui est plus souvent associé à la classe moyenne. À Montréal, c’est un peu différent, parce qu’on est une ville où il a juste un sport… Il n’y en a pas un deuxième… Mais est-ce que, pour tes parents, est-ce c’était naturel de t’acheter cet équipement quand tu avais 5 ans? Est-ce que tu as eu besoin de les supplier?

    GL : C’est sûr que c’était pas naturel. Mes parents sont arrivés d’Haïti quand ils avaient vingt ans et ils étaient pas des gros fans de hockey…à cause du froid et parce qu’ils ne connaissaient rien au sport. Ce qu’on faisait, c’est qu’on achetait du stock usagé.

    Quand tu es jeune, ça donne rien d’acheter du stock de hockey qui est neuf… Tu grandis tellement vite… Puis en bout de ligne, le stock neuf que tu achètes, ça prend tellement de temps le briser… que lorsque ça brise, tu as besoin d’acheter quelque chose d’autre, parce que ça ne te fait plus. Et moi, j’étais bien content; j’avais du stock usagé qui était déjà lousse sur moi, qui était déjà réchauffé comme on dit. Il y a des jeunes, des fois, ils achètent des jambières, mais ils sont pas capables de plier les genoux parce qu’elles sont trop raides encore, parce qu’elles sont neuves et qu’ils sont pas assez forts pour vraiment les briser. Moi, avec le stock usagé, tout pliait et tout était parfait. Et ça coûtait presque rien. Puis c’est ce que je faisais. Tout mon hockey mineur, je jouais avec du stock usagé, et j’étais bien content juste de pouvoir jouer. On s’en fout, du stock de hockey, quand on est jeune. Tant que tu peux jouer, c’est ce qui est le plus important.

    JB: Au début, même si tu avais l’ambition d’être dans la Ligue nationale, j’imagine que tu faisais ça parce que tu aimais ça…

    GL : Les deux. Je faisais ça parce que j’aimais ça, et je faisais ça parce si mon rêve, c’était de jouer dans la Ligue nationale, il fallait que je joue pour me rendre là j’ai toujours rêvé, puis à chaque fois que j’ai joué, toujours donné mon maximum pour me donner le plus de chances de réaliser mon rêve.

    JB: Est-ce qu’il y a un moment, où c’est devenu comme plus concret, où tu t’es dit : «Là, j’ai vraiment des chances». J’imagine qu’il y a plusieurs moments dans une carrière comme ça…

    GL : Pour vrai, et je me fais souvent poser cette question-là : depuis que je suis tout jeune, c’était concret. L’affaire, c’est que dans la vie, quand tu veux accomplir quelque chose, il faut que tu y croies. Il faut que tu te foutes des opinions des autres. Puis à 7 ans, à 8 ans, et tu peux aller le demander à mes parents et ils te le diraient… Moi, je le disais que j’allais jouer dans la Ligue nationale, même s’ils me disaient que les études, c’était important.

    Puis les études ont toujours été importantes pour moi aussi. Je me suis toujours donné à l’école, mais je savais que j’allais jouer dans la Ligue nationale, quand j’étais jeune. Puis à 7 ans, à 8 ans, c’était aussi concret qu’à 18 ans.

    C’était tellement ma mission que je savais déjà les sacrifices qu’il fallait que je fasse. J’en faisais beaucoup… Il fallait que je reste en forme. Je faisais tout ce qu’il fallait et j’étais jeune. Toutes ces années, si tu savais la drive et la force que ça m’a donné. Dans ton subconscient, le message que tu envoie, les ondes positives que tu envoie, comment tu penses… Tout ça a de l’impact. C’est drôle, parce que, plus tard, quand j’ai vu le documentaire The Secret, qui parle justement de ça, de créer un billboard de la vision de ce que tu vas accomplir dans la vie…

    Depuis que j’ai 6 ans, je l’ai dans ma tête, ce billboard-là, de jouer dans la Ligue nationale et d’avoir cette vision-là. Et le rêve a jamais changé. Aussi fou que ça puisse paraître de dire qu’à six ans, j’avais cette vision-là… puisque c’est la même, puisque c’était concret pour moi à cet âge-là de dire que ça allait arriver…D’année en année, c’était la même vision. Ça n’a juste jamais changé.

    JB: J’ai une question pour toi. La vision d’être dans la Ligue nationale, est ce que c’était d’être en patins et que les gens dans l’estrade applaudissent ou c’était : « Je viens de signer un contrat de dix ans de plusieurs millions » ? Les deux vont plus ou moins ensemble,  mais est-ce que tu voulais devenir joueur juste pour la gloire puis le plaisir de jouer au plus haut niveau ou l’aspect monétaire était important?

    GL : Quand tu es jeune, tu le sais même pas, l’aspect monétaire; c’est juste quand tu es plus vieux que tu commence a être conscient de comment ça marche, mais oublie ça, je n’avais aucune idée des salaires. Pour vrai, quand tu es jeune, tu sais même pas que jouer dans la Ligue nationale, c’est comme un travail. Tu es pas conscient de ça, mais tu vois des gens jouer à la télévision qui joue avec une équipe puis tu veux, un jour, faire la même chose.

    Mais tout ce qui est relié avec ça, à un jeune âge, je mentirais si je disais je savais que je pourrais vivre avec  ça, que ce serait une job, que je pourrais gâter mes parents comme je l’ai fait…Mon frère, ma famille, tout ce que je peux faire avec ça; je savais pas ça. C’était juste l’amour du hockey et me dire qu’un jour, je vais faire partie de cette équipe-là, puis les gens vont pouvoir me voir à la télévision.

    JB : Quand tu étais dans les ligues mineures…Moi, je connais pas grand-chose au hockey, alors, les ligues mineures, c’est les trucs avant la Ligue nationale?

    GL : Oui.

    JB : Tu étais pas mal bon. Est-ce tu es payé quand tu joue dans cette ligue?

    GL : Dans le hockey mineur, non, parce que le hockey mineur c’est récréatif.

    Et quand tu joues double lettre non plus. Même quand tu joue double lettre, il faut que tu payes, et ça coûte plus cher.

    JB : Est-ce que tu es obligé d’avoir une job?

    GL : Oui, j’avais une job.

    JB : Qu’est-ce que tu faisais et combien de l’heure tu gagnais?

    GL : La première job que j’ai eu à 15 ans, et qui m’aidait à payer mon stock de hockey et mes bâtons, c’est travailler au McDo. Et j’ai détesté travailler au McDo.

    JB : Combien tu étais payé de l’heure?

    GL : Le salaire minimum. À l’époque, je pense que c’était 5,25$. Ça fait longtemps de ça! Pour vrai, respect à ceux qui travaillent au McDo, car le travail qu’ils font en une heure, c’est plus que le travail que tu fais dans n’importe quelle autre job. C’est pour ça que, souvent, les gens disent que quand on voit dans le CV de quelqu’un qu’il a travaillé au McDo, on sait que c’est un travailleur. Je suis resté là seulement deux mois, parce que je trouvais que c’était trop demandant. À l’heure du trafic, c’était fou il fallait faire un burger, je pense, à chaque 39 secondes. J’étais en train de devenir fou  j’étais en train de virer comme un burger.

    C’est quand même fou que je sois devenu végétalien plus tard. J’aurais jamais pensé l’être dans le temps que je travaillais au McDo. J’ai arrêté, parce que je trouvais que c’était juste ridicule. Je trouvais qu’on était sous-payé au boutte. Puis j’ai travaillé dans un dépanneur, où je remplissais les frigidaires et je faisais la caisse. C’était pas mal plus relax, mais ce qui était le plus payant pour moi, c’est quand je tondais le gazon des voisins. J’avais ma petite compagnie d’entretien; je tondais le gazon et je pelletais l’entrée des gens et ils me payaient pour ça. Pelleter l’entrée des gens l’hiver, j’aimais ça, parce que c’était physique, puis en même temps, c’était comme un work out. Le monde me payait pour ça et je faisais ça à la pelle.

    JB : Combien ça coûtait de faire pelleter son entrée par le jeune Georges Laraque?

    GL : Moi, quand j’arrivais, et qu’il y avait de la neige, ce n’était pas comme si j’avais un contrat. J’allais voir des gens, puis je leur demandais si je pouvais pelleter leur entrée, s’ils me disaient oui, ils me donnaient ce qu’ils voulaient. Des fois, ils me donnaient 5 pièces, des fois, ils me donnaient 10 pièces. J’étais trop jeune pour vraiment négocier, et c’est pas comme si j’avais un contrat de signé.Même chose avec le gazon. J’arrivais avec ma tondeuse et je demandais s’ils voulaient que je fasse leur gazon. Des fois ils me donnaient deux dollars, des fois cinq. Ça dépendait. C’était pas beaucoup, mais quand tu es jeune, tu fais quoi? Tu as le choix de flâner dans les rues, ou rien faire, et moi je me disais : «Aussi bien travailler, essayer de faire quelque chose de constructif.»

    JB : Avant d’aller dans la LNH, il y avait comme une ligue…

    GL : Ah, tu parles de la ligue américaine!

    JB : Toi, tu as été une de ces ligues-là avant de joindre les Oilers…

    GL : OK, après Bantam, puis midget, tu parles de junior majeur, les gens achètent des billets pour te voir.

    JB : Et tu es pas payé?

    GL : Midget tu es pas payé, mais junior majeur, oui. Junior majeur, tu vas à l’école en même temps, tes études sont payées, tu restes dans une pension et la bouffe est payée. Mais tu es payé comme 50$ par semaine. On s’entend que c’est pour tes dépenses, mais tu joue vraiment pour l’amour du hockey. C’est pas vraiment un salaire… 50$ par semaine. C’est juste pour subvenir à un couple de besoins…

    JB : J’ai lu un peu sur toi et j’ai lu que tu as eu une offre des Oilers, puis que tu as refusé… Donc, tu voulais continuer avec ton 50$ par semaine? Là, je suis curieux de savoir… Pourquoi?

    GL : C’est pas exactement ce qui est arrivé, c’est que j’ai été repêché en 1995 par les Oilers. Quand j’ai été repêché par les Oilers, j’ai reçu un bonus de signature de 275 000$. Ça, c’est quelque chose qu’ils te donnent là. 275 000$, alors que quand tu jouais junior, tu faisais 50$ par semaine. Tu reçois ça, maintenant, 275 000 dollars US. Même si reviens junior majeur, ou quoi que ce soit. Ce dont tu parles, c’est que la première année, le premier camp d’entraînement que j’ai fait avec les Oilers d’Edmonton, l’entraîneur était venu me voir, car ça allait tellement bien dans les matchs d’exhibition, qu’il m’avait dit : «On pense que tu vas commencer la saison avec nous»

    JB : Tu avais déjà signé. Tu avais déjà eu ton bonus?

    GL : Oui, j’avais déjà signé avec les Oilers et tout ça. Puis il m’a dit : « On pense te faire commencer l’année avec nous. » Et c’est là que moi, sortant de junior majeur, et étant donné la job que je devais faire, qui était de me battre, je pensais pas que j’étais prêt à jouer ce rôle-là tout de suite à 18 ans…

    JB : Ils le savaient déjà, que ta job, c’était une job de gros bras, c’était évident?

    GL : C’est pas qu’ils le savaient. Quand j’ai été repêché, c’était pour ça, car mon rôle dans le junior majeur, c’était ça; c’est ça que je faisais déjà. Une équipe qui va te repêcher va assumer que tu vas garder le même style et j’ai gardé le même style dans les matchs hors-concours. Une fois qu’ils ont décidé qu’ils allaient me garder, c’est là, que quand je regardais ça, je ne me sentais pas à l’aise de faire ce rôle-là en sortant de junior majeur, la première année tout de suite.

    J’ai dit que j’aimais mieux retourner une autre année junior pour mon développement. Et dans ma tête, je ne lui ai pas expliqué pourquoi, mais je voulais être sûr d’être à mon plus fort physiquement pour pas me faire tuer en faisant ce rôle-là. Quand j’ai vu l’entraîneur, et qu’on s’est parlé de ça, je préférais retourner junior pendant un an avant de commencer ce travail de fou.

    JB : J’ai une question pour toi, parce que c’est quand même une job particulière. Déjà, être athlète professionnel, ça vient avec son lot de dangers, mais là, toi, tu avais une fonction particulièrement dangereuse. Est-que tu étais gens assuré? Tout d’un coup que quelqu’un te donne un coup de patin? Est-ce que ce que les joueurs professionnels s’assurent?

    GL : Oui, plus tard dans ma carrière, j’étais assuré. Il y a des assurances que tu peux prendre s’il arrive un accident, s’il arrive quelque chose. Au début ma carrière, non, mais quand même, les contrats sont quand même garantis.

    JB : Est-ce qu’il y a quelqu’un dans la compagnie d’assurance qui regarde les vidéos de Georges Laraque?

    GL : Non, parce qu’en bout de ligne, les assurances, c’est toujours la même chose. Ça dépend de ton âge et de ton historique de blessure. Mais ce qui est hot avec le hockey, c’est peu importe si tu te blesses ou pas, les contrats sont garantis. Donc, si je me blessais, les contrats sont garantis, donc, ça ne change rien.

    JB : Mais ça pourrait changer quelque chose au moment du renouvellement?

    GL : Ce que je veux dire par contrat garanti, c’est si tu signes un contrat de 2 ou 3 ans avec une équipe, comme quand tu es une recrue, ton premier contrat, c’est un contrat de 3 ans. Si tu te blesses durant la première année dans la Ligue nationale, tes deux autres années, même si tu ne peux pas jouer, tu es payé quand même.

    JB : Là, tu me disais tu as eu un bonus de 275 000$ au début. Est-ce que tu fais ça par année?

    GL : Ça, c’est juste quelque chose qu’ils te donnent, c’est pas ton salaire. Mais quand j’ai commencé, je pense mon premier contrat, c’était 220 000$ la première année, 240 la deuxième, puis 260 la troisième. En dollars US. Ça fait longtemps.

    JB : Qu’est-ce qui arrive quand tu donnes autant d’argent à un enfant? Aujourd’hui, tu parles de ça, et je sais que tu es pas impressionné par un 200 000$, mais quand tu as 18 ans, et que tu viens pas d’un milieu riche, j’imagine que tu avais l’impression d’être multimillionnaire et d’avoir une infinité d’argent, non?

    GL : Quand tu as 18 ans, tu penses pas encore à ça, parce que tu es pas encore multimillionnaire.

    JB : Oui, mais 200 000$, c’est beaucoup d’argent à cet âge-là!

    GL : Oui, mais tu m’as posé une question. Es-tu multimillionnaire? Je te dis que non. Mon but, c’était d’aller vers ça, mais c’est un bon début. Mais il faut pas oublier qu’avec les taxes, tu coupes ça en deux. Tu as un bonus de signature, mais tu as pas encore joué un match dans la Ligue nationale…Il y a beaucoup de joueurs repêchés qui ont eu un bonus, mais qui n’ont jamais joué dans la Ligue nationale. C’est le début, mais c’est pas le début de ta carrière, car tu n’as encore rien accompli. Quand tu as un premier contrat, tu veux faire bien pour en obtenir un deuxième et que la valeur des contrats augmente. J’étais content pour le début. Ça venait de bien commencer. Mais les aspirations, quand tu commences, c’est de faire beaucoup plus que ça.

    JB : Tu étais très mature pour ton âge. Il me semble qu’il y a plein de kid de 18 ans à qui tu donnerais un chèque de 300 000$, qui auraient l’impression qu’ils sont déjà riches… Est-ce que tu as eu des coachs, des gens qui t’ont expliqué comment gérer ton argent?

    GL : Oui et non.  C’est sûr que quand tu fais de l’argent, tout le monde devient ton coach, tout le monde te parle de ça, tout le monde devient ton meilleur ami. C’est sûr que j’ai aussi fait des niaiseries, j’ai acheté des chars sport quand j’étais jeune… Heureusement que ma carrière a été longue, parce que quand j’ai commencé, j’ai dépensé pas mal sur des casinos, des voitures sport, des choses comme ça.

    JB : C’est quoi la plus grosse niaiserie que tu as faite, avec un chiffre?

    GL : J’ai dépensé 100 000$ au casino.

    JB : Wow! Au casino de Montréal?

    GL : Non,  à Edmonton. J’avais fait ça, car en tant que joueur, tu peux pratiquement avoir un crédit illimité. C’est cave, je peux le dire maintenant. Je l’avoue que c’était cave…Quand tu vas au casino, et que tu es une personnalité qui est connue, tu fais un sport, et que les gens te reconnaissent, tu veux toujours montrer que tu es invincible. Et quand j’étais au casino, et je suis pas vraiment quelqu’un de patient, quand je jouais à la roulette ou aux cartes, je suis pas quelqu’un qui jouait à des choses qui prennent du temps. Je mettais toujours de gros  montants. Normalement, je joue des chiffres, ou je joue rouge ou noir; des affaires comme ça qui te rapportent beaucoup plus que des petits montants.

    Et là le monde venaient prendre des photos et venaient me voir. Ils disaient: «Wow, c’est Georges Laraque». Et quand je perdais, à coup de 10 000$, ça me faisait mal en dedans.

    Mais pour pas montrer que ça me faisait de quoi, je disais : «Fais-le encore, fais-le encore».

    Juste pour montrer que ça me faisait rien. Tu vois, comment c’était épais?

    JB : Au moins, tu as été capable de sortir du casino!

    GL : Ce qui est arrivé, c’est que quand c’était fini, je savais pas à quel montant c’était rendu avec le crédit… Finalement, j’étais parti à cause de l’heure qu’il était, parce que j’avais un rendez-vous, je pense. C’est bien beau d’avoir un crédit, mais il faut quand même que tu payes. Quand j’ai été pour payer la facture qui était de 100 000$, j’ai fait ouf, c’était pas mal cave ce que j’ai fait…Et là, il y a plus personne autour de toi, tu peux être vulnérable; tu es avec le caissier… J’ai mis ça sur ma carte de crédit; le 100 000$ au complet. Même la banque a appelé pour confirmer que c’était vraiment ça. Et cette leçon-là a fait en sorte que j’ai plus jamais été au casino après.

    JB : Est-ce tu as été capable de payer le solde de la carte de crédit le mois suivant, pour éviter de payer 20% d’intérêt?

    GL : Non, j’ai payé des intérêts là-dessus…J’ai payé des intérêts la première année. Ça m’a pris jusqu’à la fin de mon année de contrat pour pouvoir la payer au complet. Juste ça, ça m’a donné une assez bonne leçon, pour ne plus refaire ça. Il y a des athlètes qui se sont endettés pour des millions avec ça, qui ont fait faillite à cause de ça. Ça été une leçon de vie, ça, de plus jamais aller au casino, parce qu’en bout de ligne, quand on dit qu’au casino, la maison gagne toujours, c’est vrai! C’est une leçon qui m’a coûté cher, mais heureusement, j’ai joué assez longtemps pour pas devoir dire que cette niaiserie-là m’ait fait mal dans la vie de tous les jours.

    JB : Je ne me souviens plus de la proportion, mais je me souviens d’avoir lu qu’une grosse partie des athlètes professionnels qui, après 10 ans ou 15 ans, se retrouvent ruinés.

    GL : C’est dans la NFL, ça!

    JB : Je pense que ça portait sur la NFL, mais selon moi, ça doit être la même chose dans les autres sports. Je suis sûr qu’en hockey, il y en a plein…

    GL : Dans la NFL, c’est pas les mêmes mentalités. Au hockey, les joueurs, en grande majorité, sont allés à l’école, ils ont de l’éducation. Ils ont eu cours d’économie, alors, la mentalité n’est pas pareille. Mais dans le football, la mentalité est différente. Il y a des joueurs qui ont des entourages qui gardent beaucoup de monde qui les suit tout le temps, qui ont des amis de longue date qui font partie de leur quotidien. Il y plein de monde qu’il faut que tu payes là dedans. C’est un train de vie qui est beaucoup plus élevé, beaucoup plus cher. Le football était un sport beaucoup plus populaire, les joueurs flashent beaucoup plus. Il y plein de choses qu’il faut prendre en compte quand tu parles de la NFL; c’est tellement populaire que c’est pas la même chose.

    JB : Donc, dans tes anciens collègues de hockey de l’époque, tu en connais pas beaucoup qui ont une job qu’ils ont pas envie de faire et qui ont plus d’argent aujourd’hui? J’imagines qu’ils s’en vantent pas non plus…

    GL : Non, dans les gens avec qui j’ai joué au hockey, je n’en connais pas qui ont vraiment eu de la difficulté.

    JB : Dans tous les cas, si tu as encore de l’argent aujourd’hui, c’est parce tu as été capable de t’en tenir à un certain budget, d’épargner une partie de tes revenus et d’investir. Est-ce que je me trompe?

    GL : Oui, mais c’est pas juste ça. C’est qu’à un moment donné, quand tu vieillis… Et j’ai été chanceux de jouer longtemps, parce que les niaiseries que tu fais quand tu es jeune, tu les fais plus quand tu es vieux. Puis à un moment donné, quand tu vieilli, tu te dis, le matériel, ça veut dire quoi? On vit tellement dans un monde matérialiste… J’ai compris ça pendant que je jouais au hockey, et que je faisais beaucoup d’argent. C’était le moment parfait de le comprendre… Pourquoi acheter un char sport, pourquoi gaspiller de l’argent sur un char? Le but d’un char est aller du point A au point B, donc je faisais des ententes avec des concessionnaires de voiture pour conduire une voiture gratuite, et je dépensais pas d’argent sur ça.

    Pourquoi flasher pour avoir des bijoux qui vont coûter super chers? J’ai arrêté de dépenser de l’argent pour du matériel qui veut rien dire, j’ai arrêté de faire ça. Je me suis dit, en bout de ligne, qu’est ce qui est plus important? Quand tu comprends ça, c’est plus facile d’épargner de l’argent parce qu’aujourd’hui si tu regardes ce que les gens achètent à tous les jours, souvent, ce n’est pas de la nécessité, ce sont des choses qui servent à rien dans leur quotidien et qui vont pas les aider et qui font juste les endetter.

    JB : Quand tu signais un nouveau contrat, est-ce que tu avais des objectifs d’épargne? Par exemple, est-ce que tu te disais je vais dépenser tant par année et je vais investir le reste?

    GL : C’est les deux. C’est sûr que tu essaies de te faire un budget de combien tu vas dépenser personnellement et tu essaies d’épargner le plus possible, bien entendu. Aussi, je voulais gâter ma famille : mon frère, ma soeur, mon père, ma mère. J’ai pu faire ça aussi, au courant de ma carrière de 13 ans.

    JB : Tantôt, tu me disais que tu avais pas d’argent en Bourse. Dès l’époque du hockey, tu avais commencé à faire des investissements en immobilier? C’est quoi tes premiers investissements?

    GL : Le premier investissement, c’était les REER et des choses comme ça.

    JB : Donc, tu avais de l’argent en Bourse?

    GL : Oui, mais je parle de REER pour la retraite. Mais la Bourse, le stock market, je voulais pas toucher à ça. Ce que j’ai fait par la suite, quand j’ai joué un peu plus longtemps, c’est d’investir dans l’immobilier. J’ai construit des maisons. La première fois, j’ai construit une maison et je l’ai revendue. J’ai construit deux maisons que j’ai revendues.

    JB: Où?

    GL : Les deux à Edmonton.

    JB : Ça t’as coûté combien la construire puis combien tu l’as vendue?

    GL : Ouais, la maison que j’ai construite à Edmonton, ça m’avait couté 600 000$ et j’ai revendu 1,1 million. Donc, en six ans, c’était très bon. Quelqu’un m’avait dit que la meilleure façon d’investir, c’était l’immobilier, parce que ça montait toujours et que c’est pas mal plus simple à contrôler, et c’était vrai. Et j’ai des blocs aujourd’hui à cause de ça, puis tu laisses les loyers les payer tous seuls.

    JB : On le sait, une carrière d’athlète ne dure pas jusqu’à 65 ans. On va essayer d’aborder certains des projets dans lesquels tu es impliqué, car tu es impliqué dans un million de choses. Est-ce que tu as commencé, à l’époque où tu étais encore joueur professionnel, à aller chercher des revenus à l’extérieur de la Ligue, donc d’être porte-parole, de lancer des business…

    GL : Non, mais sans le savoir, je préparais déjà mon après-carrière. Parce que ce qui arrive, c’est que quand tu joues au hockey, tu as accès aux médias de façon illimitée et gratuitement. Et moi, j’ai toujours été un gars qui a pas sa langue dans sa poche. J’ai toujours aimé ça parler aux médias, faire de la radio et faire de la télé.

    Pendant ma carrière, je faisais déjà énormément de télé et de radio déjà. Je faisais des shows de radio, je faisais de la télé, je faisais des conférences. J’ai adoré ça.

    JB : Est-ce qu’ils te payaient pour faire ça?

    GL : À la télé, oui, ils sont obligés. Chaque fois que tu passes à la télé, tu es payé. Les conférences j’étais payé aussi. J’ai tellement fait quand je jouais que, quand j’ai arrêté de jouer, j’ai continué à avoir des demandes là-dessus, parce que le monde savait déjà comment je le faisais et que j’étais capable de le faire. C’était une habitude que j’avais quand je jouais. J’ai juste continué à faire ce que je faisais quand je jouais. La seule différence est que j’avais plus de temps pour le faire.

    JB : Quand ta carrière s’est terminée, est-ce que tu as eu un espèce de down, parce que  ça change la vie?

    GL : Non, parce que c’est sûr que quand tu as joué pendant 13 ans, c’est bien au-delà de la moyenne dans la Ligue nationale, et en plus tu te bas pendant 13 ans. À un moment donné, tu es comme soulagé quand ça se termine. J’étais pas mal plus soulagé qu’autre chose. J’étais soulagé d’avoir terminé ma carrière sans problème de santé grave, sans commotion cérébrale, sans rien.

    JB : Là, tu es impliqué dans plein d’affaires, tu es investi dans plein d’affaires… C’est quoi la première chose dans laquelle tu t’es impliqué après avoir pris ta retraite?

    GL : La première chose dans laquelle je me suis impliqué après, c’est un système d’antivol d’ordinateurs. Et ça, ça n’as pas marché.

    JB : Est-ce que c’est quelque chose qui servait à attacher physiquement un ordinateur à une table, par exemple?

    GL : Oui. Exactement. Ça n’a vraiment pas marché. Ça a foiré, et j’ai perdu mon argent là-dedans.

    JB : Tu avais investi dans ce projet ou tu as lancé ce projet avec quelqu’un?

    GL : Non, j’avais investi. J’ai aussi investi dans une ligue de hockey-balle et j’ai perdu de l’argent là-dedans aussi. Ça, l’affaire, c’est que ces deux investissements que j’avais fait pendant que je jouais. J’avais pas aucun contrôle là-dedans et j’ai perdu dans ces choses-là.

    C’était zéro en deux. Et j’ai compris que si je n’étais pas là, ça marchait pas. Quand j’ai arrêté de jouer, la première chose dans laquelle j’ai investi, c’est des glaces synthétiques et, au début, ça marchait…

    JB : Des glaces synthétiques que tu mets dans un verre de whisky?

    GL : Non, des glaces synthétiques pour patiner dessus, des patinoires synthétiques. Et ça, non seulement ça n’a pas marché, mais ça a fini en cour avec mon partenaire, et ça m’a coûté les yeux de la tête de régler ça en cour. Et là, je me suis demandé: la business, est-ce que c’est pour moi?

    JB : Tu as perdu combien dans les patinoires synthétiques?

    GL : Je dirais cinq ans et un demi-million. Ça m’a coûté cher. Et là, par la suite, tout a marché après ça.

    JB : Qu’est-ce qui t’a poussé, après plusieurs échecs, à persévérer? Tu t’es pas dit «Je devrais peut-être mettre mon argent dans un FNB»?

    GL : Parce qu’à un moment donné, tu fais quoi quand tu as un échec? Est-ce que tu abandonnes? Comme quand je me faisais traiter de tous les noms, quand je jouais au hockey, et que je voulais jouer pour la Ligue nationale. Est-ce que j’ai abandonné ou j’ai continué de foncer? Tu y crois, tu continue de foncer, de croire dans tes rêves, de croire en tes moyens. Et ça a fonctionné.

    JB : C’est quoi la première chose qui a fonctionné après cette série d’échecs?

    GL : Deux choses en même temps. Un restaurant végétalien, Crudessence, et Rise Kombucha, qui est une compagnie qui fait du thé.

    JB : Crudessence, est-ce que ça existe encore?

    GL : Crudessence, on l’a vendu six ans plus tard et là, j’ai un autre restaurant. Mais ça, ça été incroyable. Mes deux plus gros investissements c’est le restaurant et Rise Kombucha.

    Oh non, il y en a eu un autre avant Rise, j’oubliais. C’était Mojo. Les boissons Mojo, ça ressemble au Red Bull un peu. C’est une boisson énergisante mélangée avec de l’alcool.

    Et j’avais embarqué là-dedans, mais il a fallu que je débarque, parce que j’avais fait une pub avec cette compagnie-là, et ils avaient utilisé des filles dans la pub. Et là, les groupes féministes du Québec disaient que c’était sexiste, la publicité à laquelle j’avais participé, même si c’est pas moi qui l’avais organisée. J’étais juste dedans en train de la filmer. 

    Et là, ça a fait tellement de controverses, et je jouais avec le Canadien en plus… Et là, finalement, j’ai vendu mes parts. Il a fallu que  je débarque de la compagnie parce que ça n’avait aucun bon sens. Mais pas juste à cause de ça. Aussi, parce que c’était pas santé, parce que mélanger de l’alcool avec une boisson énergisante, il y a des jeunes à chaque année qui meurent de ça, il y a des arrêts cardiaques. C’est tellement pas santé. Et étant donné que je m’en allais vers le milieu santé, que je devenais végétarien, je pouvais pas endosser des produits comme ça.

    JB : Tu as une capacité à parler aux médias, tu as une visibilité. Et quand tu entres dans un projet, est-ce que ça fait toujours partie de l’équation? C’est-à-dire que oui, tu investis ton cash,  mais en plus tu vas faire la promotion du produit, et ça te permet d’avoir des meilleurs deals en terme de valorisation…

    GL : Oui, tout ce que je fais, c’est toujours basé sur ça. Parce que quand tu as un following, et que peux parler en anglais et en français et qu’il y a beaucoup de monde qui te suit, et que tu es capable de t’exprimer, ce sont des choses  qui font en sorte qu’à toutes les semaines, il y a des compagnies qui m’appellent pour que j’embarque avec eux, pour me donner un pourcentage dans la compagnie, pour que je devienne leur porte-parole, pour que j’aille faire une conférence pour eux… Il y a toujours des choses comme ça qui se passent quand tu es connu, et que, en même temps, tu sais t’exprimer. Ça ouvre beaucoup de portes, et ça te donne beaucoup d’options.

    JB : Je suis juste curieux par rapport à Rise Kombucha, car c’est très populaire. Je suis pas un grand fan de kombucha, mais je connais plein de gens qui ne jurent que par Rise et qui achètent ces bouteilles-là à quasiment 10 pièces. À moins qu’ils aient diminué leurs prix. C’est une marque qui a un bon following… Ça doit être une belle business. Est-ce que tu peux me dire si tu as un gros pourcentage de la compagnie?

    GL : J’ai un pourcentage qui est petit, mais la compagnie est évaluée à pas loin de 40 millions. On est dans 60 000 magasins au Canada et on s’en va aux États-Unis. Il y a une expansion incroyable et on va exploser, là! Je me souviens, quand on a commencé au début, on était six ou sept employés qui faisaient l’embouteillage à la main. C’était tout fait à la main. Et c’est tout fait à Montréal. Là, maintenant, tout est rendu automatisé et on en fait des millions à chaque année. La croissance de Rise a été incroyable. Et on est fier de dire que c’est une entreprise québécoise et que notre usine de fabrication est ici même à Saint-Léonard.

    JB : Est-ce que tu fais des pubs pour Rise?

    GL : Rise va tellement bien qu’on n’a même pas besoin de faire de pub. Avec le bouche-à-oreille, on a saturé le marché au Canada. Et, maintenant, on s’en va aux États-Unis. On fait un peu de pub, mais ça va tellement bien qu’on a plus besoin d’en faire tant que ça.

    On participe à beaucoup d’événements, mais Rise à sa réputation et les gens nous connaissent.

    JB : Tu es un investisseur dans des business privés, ce qui est quand même intéressant.

    Comment tu fais pour déterminer si une entreprise vaut ton temps et ton argent? Comment tu évalues ça? Surtout les entreprises privées; plus c’est petit, plus c’est difficile à déterminer ça vaut combien. Est-ce que tu vas regarder plus le management ou tu vas regarder plus les ratios financiers?

    GL : Non. Je sais ce n’est pas la bonne façon de faire, mais les compagnies dans lesquelles j’investis, j’y vais avec le feeling. Je rencontre les gens, les actionnaires, puis je poses des questions… Et je regarde même pas les affaires financiers. C’est peut-être pour ça que les trois premières fois, ça n’a pas marché, mais ça a marché très bien par la suite, avec toutes les autres choses que j’ai faites.

    JB : Tu dois avoir un avocat et un comptable qui font un due diligence?

    GL : Non, je fais même pas ça. Quand je le fais, une fois que j’accepte, je prends un avocat pour finaliser les choses, mais en terme de regarder la compagnie, j’ai jamais pris un avocat qui regardaient les chiffres et qui regardait tous les détails pour me dire «Ok, c’est bon, vas-y». C’est la bonne façon de faire. Ceux qui nous écoutent, faites pas comme moi en vous fiant seulement avec votre feeling. Si tu embarques avec une compagnie qui est déjà endettée, qui a des choses qui se passent, tu es responsable aussi. Ça m’est jamais arrivé, mais ce que je veux dire, c’est que j’ai trop fais confiance et j’ai été chanceux, dans le fond, que ça se soit terminé comme ça.

    JB : C’était quoi la différence, entre les projets qui ont marché et ceux qui ont pas marché, sur le plan des feelings? Que tu le veuilles ou non, tu as appris des choses. C’est peut-être pas la meilleure méthodologie d’analyse de compagnies, mais il y a choses que tu comprends et que tu as apprises avec l’expérience. C’est quoi les signes que c’est une bonne idée d’investir?

    GL : La première chose c’est qu’en business, la famille, il faut que tu restes loin de ça.

    S’il y a de la famille ou des amis qui sont super proches et de l’argent, c’est à déconseiller, parce que ça va briser ta relation et ça va causer de la chicane. Quand tu es ami avec quelqu’un ou de la famille, il y a comme une confiance qui s’établit et tu penses plus au côté business. Et là, les gens pensent qu’ils peuvent faire n’importe quoi parce qu’ils sont des amis ou de la famille. Quand il arrive quelque chose, ça t’amène à tes questionner sur tout.

    Et les amitiés, c’est tellement précieux, c’est tellement important, que si votre amitié avec quelqu’un est précieuse et que vous allez en business avec elle, perdez pas cette amitié-là en vous mettant dans une situation où une chicane avec lui est possible. Parce que l’argent, tu peux toujours travailler et, si tu en perds, le regagner. Mais l’amitié, si tu la perds, si tu la brises, ça peut être pour la vie.

    JB : Aujourd’hui, tu as accepté de venir à Open Wallet, mais en général, qu’est-ce que tu fais de tes journées? Tu as des blocs apparemment, tu as plusieurs compagnies, comme Mentorum…

    GL : Je suis rendu avec Oraki, une compagnie de linges, qui fait du linge pour femmes à base de plastique recyclé. J’ai une boisson énergisante qui est plus santé, BGL Énergie, je suis conférencier j’ai écrit mon autobiographie en anglais et en français qui est un best-seller. Je suis à la télé, j’ai mon show de radio à tous les jours de 10 à 12h…

    JB : À quel poste?

    GL : Au 91.9 de 10h à midi. Je suis occupé avec plein de projets.

    JB : Avec tout ce que tu fais en même temps, est-ce que tu agis plus en tant qu’investisseur et tu as des gens qui gèrent chacune de tes business?

    GL : Non, moi je gère tout. Je suis hyperactif, j’ai de l’énergie, j’aime ça. Les business que j’ai pas gérer, où j’ai laissé le monde le faire à ma place quand je jouais au hockey, elles ont toutes foiré. Pour m’assurer que ça marche, il faut que je sois là. Il faut que je sois actif, que je sois présent et que j’y travaille pour m’assurer que ça fonctionne.

    JB : J’ai une question sur ton restaurant, car les statistiques sur les restaurants sont horribles. Combien de personnes ont essayé de te décourager de lancer un nouveau restaurant?

    GL :  Personne, parce que quand j’ai embarqué avec Crudessence, ça a marché. Puis la on avait décidé de le vendre à quelqu’un qui, quand il l’a acheté, il l’a fermé. Mais j’ai vu comment ça marchait, puis je comprenais.

    JB : Et à date, ça marche bien? Est-ce que ton restaurant est rentable?

    GL : Oui, ça va bien, parce que c’est un restaurant végétalien. Il n’y a pas de gaspillage comme les restaurants qui vont vendre de la viande qui se décompose, et pour que vous la mangiez, ils mettent de l’assaisonnement dedans puis après ça, ils la vendent pareil, puis tu vois pas que c’est décomposé, puis après ça, tu as un empoisonnement alimentaire. Ce que je veux dire: il n’y a pas de gaspillage dans un restaurant végé, parce que la bouffe dure plus longtemps et c’est pas mal plus simple.

    JB : Est-ce que ca coûte moins chère d’être végétalien que d’être carnivore?

    GL : Pas mal moins cher.  Ce qui coûte le plus cher à l’épicerie, c’est la viande et les produits laitiers. Si tu as une famille de cinq, et tu vas acheter de la viande, ça va coûter combien? On peux-tu dire que d’acheter de la viande pour une famille de cinq à l’épicerie, ça va te coûter au moins 30$? Ça, c’est juste pour un souper. Pour 30$, viens avec moi à l’épicerie et on va acheter des grains, des fèves, des pois chiches, puis pour 30$, si tu achètes ça, tu en as assez pour une semaine de protéines, parce que c’est consistant et c’est des acides aminés. Souvent, les gens disent «Ah, j’ai pas les moyens d’être végétalien». Les hippies, dans le temps, ils étaient végétariens et ils avaient pas une cenne. C’est sûr que si tu manges juste des imitations de viande, ça coûte plus cher. Mais être vege, c’est pas juste manger des imitations de viande. Des imitations de viande, c’est pas santé. C’est manger des acides aminés, et des combinaisons d’aliments qui sont bons pour la santé, mais qui coûtent pas mal moins cher que de la viande.

    JB : Les gens qui nous écoutent ont l’ambition d’améliorer leur sort financier. Si tu avais un message que tu aurais aimé transmettre au jeune Georges Laraque, à part de pas aller au casino, ce serait quoi le message que tu aimerais transmettre par rapport à l’argent et à l’investissement?

    GL : La première chose, c’est le matériel. Aujourd’hui, tout le monde veut un iPhone, tout le monde veut un le plus beau linge à la mode, la meilleure voiture… Il y a combien de jeunes qui vont acheter une première voiture et gaspiller de l’argent pour avoir un aileron, des néons en dessous de la voiture, etc. Toutes ces cochonneries-là pour lesquelles tu vas dépenser, c’est du gaspillage. Ça donne absolument rien. Épargnes ton argent. Ça donne rien de dépenser ton argent sur du luxe, pour le look. Est-ce que tu veux que quelqu’un t’apprécie pour la personne que tu es ou pour l’image que tu projettes? Parce que c’est ça aujourd’hui; on vit dans une société où tout est basé sur le matériel, plus que l’essentiel : l’amour, la connexion, c’est ça qui est le plus important.

    Et avant tout, tout le monde veut faire d’argent, tout le monde veut avoir du succès, mais ça commence avec l’épargne. Peu importe ce qu’ils font dans la vie, tout le monde peut subvenir à ses besoins, s’ils font attention à ce qu’ils font avec leur argent. On vit dans une société de consommation et la première chose que je dirais aux gens qui nous écoutent en ce moment, c’est d’économiser, de faire attention, de vivre selon ses moyens et de pas regarder le voisin et essayer de vivre comme les gens que tu vois à la télévision comme une movie star ou prendre des selfies avec avec ton bec de poule avec ton nouveau manteau, avec des chapeaux de fourrure que tu trouves beaux et qui coûtent super chers et que c’est ridicule.

    C’est toutes ces choses-là que les gens doivent réaliser avant. Et si tu commences déjà à réaliser ça, et que tu commences à économiser, tranquillement, tu vas pouvoir économiser pour acheter une maison, pour des choses qui sont des nécessités dans la vie et non pour des cochonneries ou des choses à la mode qui changent tellement souvent. Et non pas pour avoir des clics sur ton Instagram ou sur ton Facebook qui te font absolument pas avancer dans la vie, parce que dans cinq ou dix ans, quand vous allez grandir, vous allez vous apercevoir comme moi que, ce que vous avez fait, c’était des niaiseries.

    La différence, c’est que moi, en jouant au hockey, j’ai pu passer par-dessus, parce que j’ai fait des millions par la suite. Mais dans les gens qui nous écoutent, les milliers de dollars que vous allez perdre là-dedans, ils vous ont peut-être coûté l’opportunité d’avoir une voiture usagée plus rapidement, qui peut vous permettre d’avoir un plus gros travail, de perdre moins de temps en allant au travail, ou peut-être d’avoir une maison au lieu de continuer à payer un loyer pendant des mois et des mois et des années et des années et de jeter votre argent par la fenêtre, alors que vous auriez peut-être pu économiser pour avoir une petite mise de fonds pour vous acheter une place à vous ou quelque chose comme ça.

    JB : C’est un super mot de la fin, Georges! Merci beaucoup d’avoir été généreux.

    GL : Merci encore de l’invitation.

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    Julien a co-fondé Hardbacon pour aider les Canadiens à prendre de meilleures décisions en matière d’investissement. Depuis, il a levé plus de trois millions de dollars et conclu des partenariats stratégiques avec des institutions financières de partout au pays. Avant de lancer Hardbacon, Julien a partagé sa passion pour les finances personnelles et la Bourse en tant que journaliste économique pour Les Affaires. Il a aussi passé le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) et, au fil des ans, a collaboré à différents médias incluant Radio-Canada, LCN et Urbania.