Le secret de Stephen Jarislowsky, le Warren Buffett du Québec
Par Clément Deffrenne | Publié le 07 déc. 2022
Le gestionnaire Stephen Jarislowsky, parfois surnommé le « Warren Buffett » du Québec, incarne la rigueur, le travail acharné et le succès. Durant toute sa carrière, il a réussi à allier croissance et valeur dans ses investissements, faisant de lui un des meilleurs investisseurs au Canada. Aujourd’hui âgé de 94 ans, l’homme d’affaires dévoile ses stratégies d’investissement et pense que les jeunes investisseurs d’aujourd’hui devraient cultiver plus une certaine vertu.
Un investisseur hors pair
Stephen Jarislowsky n’a jamais eu besoin d’étaler ses récompenses ou ses statistiques pour prouver qu’il est un investisseur hors pair. Parti de rien, il a amassé une fortune personnelle estimée à 1,6 milliard de dollars et apparaît notamment dans notre liste des dix Québécois les plus riches.
Jarislowsky Fraser, la société de gestion d’actifs qu’il a fondée, a été vendue en 2018 à la Banque Scotia pour dans le cadre d’une transaction évaluée à 950 millions de dollars.
Dans une interview accordée à Canadian Business, l’homme d’affaires déclare qu’à l’âge de 91 ans, bien qu’il n’était plus PDG, il continuait à venir travailler tous les jours et gérait les portefeuilles de ses clients. «C’est fascinant», explique-t-il. «Investir vous met en contact avec tout ce qui se passe dans la vie. C’est un exercice perpétuel pour votre cerveau».
À ses débuts, en 1955, sa société vendait de la recherche à des gestionnaires de fonds de pension. Chose très originale pour l’époque, il avait pour habitude d’interroger les équipes de direction des entreprises dans lesquelles il songeait à investir. Son entreprise a connu un tel succès que ses clients ont commencé à lui demander de gérer leur argent, à la place des gestionnaires. C’est ainsi qu’il a fait ses premiers pas dans la gestion d’investissements.
La stratégie d’investissement de Stephen Jarislowsky
Bien que les marchés aient connu plusieurs cycles depuis, la philosophie d’investissement de Jarislowsky n’a jamais changé. Lorsqu’il achète une action, son objectif est de pouvoir la conserver le plus longtemps possible. Pourquoi ? Selon lui, les gens devraient éviter à tout prix de payer des impôts sur les gains en capitaux. «Nous ne voulons pas verser beaucoup d’argent au gouvernement», dit-il. «Les gains en capitaux ne sont pas vraiment des gains en capitaux pour les investisseurs à long terme».
En effet, à travers cette phrase, Stephen Jarislowsky explique que plus on conserve longtemps une action, plus les rendements sont composés. Bien sûr, il y a des frais lorsque l’on vend, mais moins il y a de rotation dans un portefeuille, plus les actifs peuvent croître longtemps à l’abri de l’impôt.
Les investissements de Stephen Jarislowsky
Stephen Jarislowsky essaie donc d’acheter des entreprises qui vont croître à long terme. Bien qu’il trouve beaucoup de petites entreprises d’ici et d’ailleurs intéressantes, il préfère s’en tenir aux grandes compagnies nord-américaines. Dans le Select Income Fund, un des fonds communs de placement de Jarislowsky Fraser, on retrouve par exemple la Banque TD (TD) et TransCanada Corp. (TRP).
Stephen Jarislowsky souhaite également posséder des entreprises dans des secteurs stables, mais en pleine croissance, comme la santé ou l’alcool. «Tout le monde boit de la bière», dit-il.
Il exprime néanmoins son doute quant aux actions appartenant à des secteurs cycliques, comme les services financiers ou les ressources naturelles. Il estime que ces certes actions peuvent rapporter. Le problème, toujours selon lui, est que si on s’y accroche trop longtemps, le cours de l’action peut chuter en cas de ralentissement économique et mettre des années à remonter. «Même si vous arriviez à vendre au bon moment, vous devrez payer des impôts», ajoute-t-il.
Bien que Jarislowsky aime acheter des actions sous-évaluées, ce n’est pas un investisseur de valeur pour autant. Une bonne croissance est tout aussi importante pour lui. Les meilleures actions ont une combinaison de ces deux caractéristiques. «Je n’ai jamais compris l’idée qu’il faut être croissance ou valeur», dit-il. «Je veux acheter une entreprise qui a de la valeur en terme de bilan, mais si je ne peux pas satisfaire mon besoin d’appréciation, alors je n’ai aucun intérêt.»
Un investisseur avec des valeurs
Stephen Jarislowsky estime qu’il est primordial pour les dirigeants d’une entreprise d’être honnêtes et d’adopter des pratiques éthiques. Selon lui, les meilleures entreprises ont des politiques de bonne gouvernance. Il a d’ailleurs fondé la Coalition canadienne pour la bonne gouvernance et a publiquement pointé du doigt Frank Stronach et Conrad Black à propos des excès en matière de gouvernance.
Le conseil de Stephen Jarislowsky
Jarislowsky ne veut pas fixer de limite à ce qu’il entend par «long terme», mais il détient par exemple ExxonMobil (XOM) dans son portefeuille personnel depuis 1948. Actuellement, il apprécie Alimentation Couche-Tard (ATD-B), CGI Group (GIB-A) et Accenture (CAN), toutes des entreprises qui, selon lui, l’aident à atteindre son objectif de rendement d’environ 9 % par an.
S’il y a un conseil que ce sage sélectionneur de titres donnerait aux jeunes investisseurs, c’est d’être patients. Il a remarqué au fil des ans que de plus en plus de gens veulent gagner de l’argent rapidement, mais ce n’est pas comme ça que les investissements fonctionnent. «Il faut rouler à une certaine vitesse et ne pas avoir d’accident», dit-il. «Il faut arriver à temps. C’est suffisant pour moi».