Ce que l’or de Picsou peut nous apprendre sur l’investissement aurifère
Par Julien Brault | Publié le 06 déc. 2022
Quand j’étais petit, j’étais un inconditionnel des bandes dessinées Picsou. Picsou, ou Scroodge McDuck en anglais, est un canard milliardaire qui a pour passe-temps de plonger dans son immense voûte remplie de pièces d’or.
Picsou est probablement beaucoup plus riche aujourd’hui qu’à l’époque où je lisais ses bandes dessinées.
Lorsque j’avais 8 ans, en 1994, une once d’or coûtait 378$ US. Au moment d’écrire ces lignes, la même once d’or coûte 2049$ US.
Picsou est donc cinq fois plus riche aujourd’hui.
Par contre, si Picsou avait investi sa vaste fortune dans un FNB indiciel comme le SPDR S&P 500 ETF Trust (qui permet d’investir dans un panier composé des 500 plus grandes entreprises américaines) en 1994, il ne serait pas cinq, mais bien sept fois plus riche aujourd’hui.
De plus, il est possible que le canard milliardaire ait mieux dormi durant cette période, l’or ayant été moins volatile que le S&P 500 durant cette période, en plus d’avoir augmenté en valeur durant les crises de 2000, 2001 et 2008.
La fortune de Picsou
Selon le magazine Forbes, qui a publié un palmarès des personnages de fiction les plus riches en 2013, Picsou est le plus riche d’entre eux, avec une fortune estimée à 65 milliards.
En assumant qu’il conserve 100% de sa fortune en pièces d’or, sa fortune s’élèverait aujourd’hui à environ 80 milliards de dollars US en raison de la hausse du prix de l’or depuis 2013.
Picsou est un personnage créé en 1947 par Disney. Le canard serait d’origine écossaise et aurait immigré aux États-Unis et aurait acquis sa fortune pendant la ruée vers l’or de Klondike, au Yukon, entre 1896 et 1899.
L’origine de la fortune fictive de Picsou est donc canadienne.
En réalité, la ruée vers l’or du Klondike a attiré pas moins de 100 000 mineurs amateurs, surtout en provenance des États-Unis, et la plupart sont repartis bredouilles ou ont même trouvé la mort.
Le plus grand succès réel issu du Klondike est celui d’un Canadien, d’origine écossaise comme Picsou, du nom d’Alex McDonald. Celui-ci est parvenu faire beaucoup d’argent en achetant des droits d’exploitation sur de nombreux terrains, au début de la ruée vers l’or. Il louait des parcelles aux mineurs venus dans l’espoir de devenir riches. Il a fait des sommes considérables durant le Klondike, mais comme beaucoup de spéculateurs, il n’a pas su s’arrêter au bon moment, continuant acheter des droits d’exploitation après la fin de la ruée vers l’or, mourant avec des dettes à l’âge de 50 ans, en 1909.
À l’époque du Klondike, l’once d’or coûtait 20,67$ US, soit environ 540$ US en dollars constants. C’est donc dire qu’un siècle plus tard, en 1994, quand je lisais des bandes dessinées Picsou, le prix de l’or avant à peine bougé. En 1994, l’once d’or coutait 378$ US (ou 657.54 $ US en dollars constants.)
Bref, le rendement réel annualisé de Picsou durant le premier siècle de sa fortune, s’élève à 0,21%.
C’est un rendement extrêmement médiocre, mais il a néanmoins maintenu son pouvoir d’achat durant cette période. S’il avait vendu tout son or et gardé sa fortune en dollars américains, il serait devenu pauvre durant la même période, en raison de l’inflation.
Est-ce que Picsou devrait liquider son or ou le garder?
À 2049$ US l’once au moment d’écrire ces lignes, l’or a surpassé son sommet nominal de 1912$ US, atteint en 2011, en raison de l’enthousiasme des investisseurs, qui sont nombreux à investir dans l’or en ce moment.
On peut donc se demander si Picsou ne ferait pas mieux de vendre son or aujourd’hui, et réinvestir dans d’autres catégories d’actif.
Ce n’est pas évident de conseiller Picsou sur ce point, quoique détenir 100% de sa fortune dans un seul actif n’est jamais une bonne idée.
Si l’or a atteint un sommet nominal, en ajustant pour l’inflation, on se rend compte que l’or a déjà coûté plus cher. En dollars constants, l’or a ainsi atteint un sommet de 2172$ US en 2011 et de pas moins de 2737$ US en 1980.
En 1980, les investisseurs avaient peur qu’une troisième guerre mondiale se déclenche. L’URSS venait d’envahir l’Afghanistan et la crise des otages américains en Iran s’éternisait. De plus, les obligations n’étaient pas un refuge alléchant en raison de l’inflation galopante qui minait alors leurs rendements.
Selon un rapport d e RBC Capital Markets, les conditions pourraient être réunies en ce moment (chute du PIB et création monétaire importante qui pourrait déboucher sur de l’inflation) pour que l’or atteigne un nouveau sommet. Le scénario optimiste de RBC Capital Markets (probabilité de 40% selon le rapport) mise ainsi sur une once d’or à 3060$ au début de 2021.
Le même rapport explique toutefois que la demande pour l’or physique a diminué et que son appréciation est entièrement due à son attrait financier. Bref, on achète surtout de l’or pour diminuer la volatilité de son portefeuille et non pas pour augmenter ses rendements à long terme.