Profiter de la paresse des autres

Par Julien Brault | Publié le 09 déc. 2022

a large gym with many equipment
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Table des matières

    Il y a quelques vérités universelles à propos de l’être humain. Ils veulent du sexe, de la nourriture, un endroit pour dormir et être perçus comme meilleurs que leur voisin. Lorsqu’une tâche ne leur permet pas d’atteindre rapidement l’un des objectifs énumérés ci-dessus, ils ont tendance à se traîner les pieds. 

    Beaucoup de modèles d’affaires reposent d’ailleurs entièrement sur cette dernière caractéristique de l’être humain : la paresse. Et je ne parle pas des services de livraison de repas à domicile ou de ménage, car après tout, leurs clients n’ont pas besoin d’être paresseux pour que ça marche. Leur clientèle pourrait être constituée à 100% de gens occupés qui ne sont jamais paresseux (si ça existait) et ils feraient de l’argent. 

    Par contre, un gym dont tous les membres viendraient s’entraîner trois fois par semaine, par exemple, ne pourrait pas être rentable. À moins de charger beaucoup, beaucoup plus cher. 

    Le brillant modèle d’affaires d’Econofitness

    Pour illustrer mon propos, prenons l’exemple de la marque à escompte d’Énergie Cardio, Econofitness. Lancée en 2015, la chaîne de gyms a maintenant pas moins de 59 succursales à travers le Québec, grâce à une proposition de valeur extrêmement alléchante : un abonnement d’à peine 10,75$ par mois, donnant droit à un accès illimité à des gyms dotés d’équipements neufs, situés dans des emplacements de choix et ouverts les soirs et la fin de semaine. 

    Je fais partie des Québécois qui ont été séduits; je me suis donc abonné et je me souviens d’y être allé trois fois. Je ne suis tellement pas à mes affaires, étant un paresseux de premier ordre, que je ne me souviens pas de m’être désabonné. J’ai donc probablement payé pour les 12 mois. 

    En d’autres mots, je suis le client idéal d’Econofitness. Prenons pour exemple une succursale montréalaise de la chaîne ouvrant 109 heures par semaine, où 100 personnes peuvent s’entraîner en même temps. Si tous les membres de ce gym s’entrainaient trois fois par semaine à raison de 1h30 par session, le gym ne pourrait pas accepter plus que 2422 membres, et ça, c’est si le gym était rempli à pleine capacité durant l’entièreté de ses heures d’ouverture. 

    Admettant que tous ses membres soient sur l’abonnement de base à 10,75$ par mois, cette succursale hypothétique d’Econofitness ne pourrait pas générer plus de 26 039$ par mois. À ce niveau de revenus, un gym à Montréal ne pourrait pas payer son loyer, et c’est sans compter l’amortissement de ses équipements, ses coûts de main-d’oeuvre et le marketing. 

    Économiser de l’argent grâce à la paresse des autres

    Je pourrais enchaîner en décortiquant le modèle d’affaires de fournisseurs de points récompenses comme Air Miles et Aeroplan. Ceux-ci vendent leurs points aux détaillants à un prix qui tient compte du fait qu’une grande proportion des points distribués par les détaillants ne seront jamais échangés contre une récompense par le consommateur. C’est le même phénomène qui explique pourquoi tous les détaillants veulent vous vendre leurs maudites cartes-cadeaux. 

    Les compagnies d’assurance misent elles aussi sur la paresse des gens. Elles offrent des polices à prix coupé aux nouveaux clients, sachant trop bien que quand viendra le temps de renouveler, les gens seront trop paresseux pour aller magasiner, et vont avaler l’augmentation de prime sans broncher. Les entreprises de télécommunication (seulement 99,99$ durant les 12 premiers mois), et les fournisseurs de carte de crédit (0% d’intérêt pendant six mois) font de même… 

    C’est choquant si comme moi vous êtes paresseux. Par contre, si vous ne l’êtes pas, c’est pas mal cool. Ça veut dire que vos voisins plus paresseux peuvent financer votre style de vie, pourvu que vous vous rappeliez d’échanger vos points, de renégocier ou de changer de fournisseur après la période à prix promotionnel et, finalement, d’aller au gym. Ou, plus probablement, de ne pas vous abonner au gym, car entre vous et mois, on sait très bien que vous n’irez pas.

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    Julien a co-fondé Hardbacon pour aider les Canadiens à prendre de meilleures décisions en matière d’investissement. Depuis, il a levé plus de trois millions de dollars et conclu des partenariats stratégiques avec des institutions financières de partout au pays. Avant de lancer Hardbacon, Julien a partagé sa passion pour les finances personnelles et la Bourse en tant que journaliste économique pour Les Affaires. Il a aussi passé le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) et, au fil des ans, a collaboré à différents médias incluant Radio-Canada, LCN et Urbania.