REEE: Comment investir dans le futur de ses enfants sans se faire avoir?
Par Louis Émile Ambourhouet-Bigmann | Publié le 26 juil. 2019
Alors que vous et votre conjoint(e) couvez votre petit chérubin de regards attendris, penchés sur son berceau, les fiers parents que vous êtes se mettent déjà à imaginer ce qu’il ou elle (le masculin servira à alléger le texte pour la suite) pourrait devenir. Un médecin, un avocat, un cadre supérieur ? Un parlementaire, ou même un futur Premier ministre du Québec ? Non, toutes ces professions sont bien en deçà du potentiel de ce génie en devenir qui, pour l’heure, ne sait que pleurer, manger, remplir sa couche, re-pleurer et (trop rarement) dormir. Il deviendra Président du Monde. Cette première réalisation faite, il vous faut maintenant déterminer la meilleure manière d’aider votre futur Président du Monde à accomplir sa destinée.
Nul besoin d’examiner les précédents historiques (fort heureusement) pour arriver à la conclusion qu’un PdM devra à tout le moindre détenir un baccalauréat dans une discipline appropriée et fort probablement une maîtrise. Combien est-ce que 5 (ou 6, ou 7) années d’université coûteront-elles dans 17 ou 18 ans ? Aurez-vous les moyens de les offrir au PdM en formation? Et s’il avait la possibilité d’intégrer une prestigieuse école européenne ? Ou une université de l’Ivy League aux États-Unis ?
Vous venez à peine d’emménager dans votre nouvelle maison (Félicitations, et merci pour la taxe de bienvenue ! – Cordialement, votre gouvernement) et vous vous demandez comment vous réussirez à épargner pour le futur du PdM entre votre hypothèque, vos factures, votre épicerie, vos taxes scolaires et municipales, tout ça sur un revenu familial net qui représentera à n’en pas douter une fraction décroissante de vos salaires bruts dans l’avenir. Il vous faut un plan, un plan solide.
Le REEE, une bonne recette dans l’absolu
Votre décision est prise : vous allez cotiser à un régime enregistré d’épargne-études. En plus de votre contribution monétaire, il est normal qu’un futur PdM bénéficie de subventions gouvernementales pour l’aider dans la réalisation de son plein potentiel.
Vous avez fait vos recherches : une cotisation de 100 $ par mois pendant 17 ans (soit un apport net de 20 400 $ qui sort de votre poche) devrait mettre à la disposition de votre bout de chou plus de 40 000$ lorsqu’il sera prêt à quitter les bancs de l’école pour les chaises parfois branlantes de l’université. En effet, la subvention canadienne pour l’épargne-études (SCEE) de 20%, à laquelle viennent s’ajouter l’équivalent provincial, soit l’incitatif québécois à l’épargne-études (IQÉÉ) de 10%, et les rendements qui s’ajoutent à ça font du REEE un moyen difficile à battre d’investir dans le futur de ses enfants.
Votre conjoint et vous avez le nez dans la documentation depuis déjà plusieurs jours, vous comparez les différentes options. Vous pourriez choisir de gérer votre investissement de manière autonome ou alors de le confier à un fonds réglementé en souscrivant à un REEE collectif.
Investir via un compte REEE
La plupart des grandes banques vous permettent de souscrire à un REEE au sein de leur établissement par le biais d’un courtier à escompte ou d’un conseiller. Cependant, vous avez aussi depuis quelques années l’option de passer par un robot-conseiller. Des firmes telles que Investissement direct CI offrent à leurs clients une alternative intéressante aux filières traditionnelles. Leur principal atout : l’absence de frais de gestion, un détail qui revêt toute son importance si vous ne roulez pas sur l’or et souhaitez donc tirer le maximum de votre investissement pour un ou plusieurs de vos enfants.
Les REEE individuels vous permettent de planifier les études d’un seul enfant tandis que les régimes familiaux sont parfaitement adaptés pour les personnes qui veulent faire bénéficier plusieurs de leurs descendants (enfants et petit-enfants de sang ou d’adoption, mais pas les neveux ou nièces) des fruits de leur travail. Les REEE collectifs, en revanche, proposent une approche beaucoup plus rigide.
Investir via un fournisseur de REEE collectif
Au cours de vos recherches, vous tomberez invariablement sur au moins un fournisseur de REEE collectif. S’ils existent et que des gens sains de corps et d’esprit y souscrivent, c’est qu’ils offrent des avantages additionnels (une poignée) aux REEE individuel et familial. Toutefois, ces points forts peuvent aussi être objectivement considérés comme de sérieuses contraintes. Le REEE collectif vous impose une discipline de fer dans la régularité et le montant de vos versements. Si vous prévoyez n’avoir aucun imprévu dans les 17 ou 18 prochaines années, ce premier point constitue vraiment un avantage. Il vous assure que tous vos co-investisseurs disposent également d’une boule de cristal et qu’ils sont prêts à miser l’entièreté de leurs cotisations, dans certains cas, sur la foi de celle-ci.
La mise en commun des épargnes des participants donne aussi un plus grand levier au fonds et lui permet de maximiser le rendement de ses placements. Cette règle est à peu près toujours vraie en matière d’investissement, mais si vous avez le malheur (dans le contexte) d’avoir un enfant qui ne souhaite pas poursuivre d’études post-secondaires, vous aurez littéralement perdu de l’argent (la valeur de l’inflation et des intérêts que vous auriez pu percevoir en plaçant votre argent ailleurs ainsi que vos frais de souscription, sur lesquels nous reviendrons). Pourquoi cela ? Dans le cas de figure mentionné, les sommes cotisées par les parents leurs sont rendues, mais les intérêts accrus et les cotisations gouvernementales restent dans le fond au profit des autres bénéficiaires.
Enfin, les investissements menés par les REEE collectifs sont assujettis par l’AMF à des règles très strictes afin de protéger les cotisations des parents. Cela ne représente un avantage que si votre aversion au risque est très élevée. Il va sans dire que même sans la main de l’AMF sur l’épaule, les fournisseurs de REEE individuel ou familial ne vont pas jouer vos cotisations au casino.
Les frais de souscription : le problème de fond
Si rien de ce que vous avez lu précédemment n’a réussi à vous détourner des REEE collectifs pour de bon, donnez-moi encore quelques paragraphes pour vous parler des frais de souscription. Dans le cas d’Universitas, qui reste l’un des fournisseurs les plus connus de ce type de régime, ils représentent bien plus qu’une année de cotisation ! En effet, si vous comptiez contribuer à hauteur de 100 $ par mois, sachez que vos frais de souscription effectifs s’élèveront à presque 2000$ !
La première année de cotisation va directement dans les poches des représentants et seule la moitié de votre apport des 15 mois suivants se retrouvera dans le fonds au profit de votre enfant. 100*12 + 0.5*100*15 = 1950 $. On parle donc d’une session à temps plein et de quoi acheter 1 ou 2 livres… aujourd’hui. Rajoutez à cela les rendements perdus sur cet argent-là sur un horizon temporel de 17 ou 18 ans, et vous venez probablement de jeter une année de scolarité complète (livres inclus) à la poubelle.
Pas de panique ! Vos frais de souscription vous seront remboursés, assure Universitas. Ah bon ? Comment est-ce possible puisqu’ils auront été versés en bonus aux représentants ? Il n’y a qu’une seule façon de réussir ce tour de passe-passe : en puisant dans le fond destinés aux enfants des autres, ou aux vôtres si vous cotisez pour plusieurs de vos bambins. Cela froisse votre éthique personnelle ? Consolez-vous, vous avez sûrement contribué au remboursement des frais de parents qui sont passés par là avant vous, c’est un juste retour d’ascenseur.
Dois-je aborder l’enjeu frais de gestion ? Non, vous en savez assez? Très bien.
REEE : Individuel, familial ou collectif?
Il est difficile pour une personne impartiale de recommander un REEE collectif au lieu d’un REEE individuel ou familial. Les REEE collectifs sont de grosses machines qui financent leurs coûts de fonctionnement à même vos cotisations, point à la ligne. Tous les REEE ne se valent pas et même si vous prévoyez avoir un Président du Monde dans les prochaines années, souscrire à un régime familial maintenant ou à un deuxième régime individuel plus tard semble nettement plus raisonnable.