Près de 20 % des marchands canadiens prévoient faire absorber une partie des frais supplémentaires à leurs clients
Par Mickael Destrempes | Publié le 05 déc. 2022
Depuis le 6 octobre, les marchands canadiens ont la possibilité de facturer des frais supplémentaires allant jusqu’à 2,4 % de la valeur des achats s’ils sont payés par carte de crédit.
C’est près du cinquième des commerçants interrogés qui prévoient faire absorber une partie des frais transactionnels à leurs clients. Cela fait partie des résultats d’un sondage de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).
Mais il pourrait y avoir une différence entre leurs intentions et la réelle mise en application en fonction de la réaction des consommateurs.
Le tout découle d’un recours collectif intenté par un groupe d’entreprises canadiennes contre les deux grandes sociétés Visa et Mastercard. En plus d’avoir obtenu un règlement de centaines de millions en frais, les commerces ont obtenu la permission de passer la note de ces frais à leurs clients, alors qu’elles n’étaient pas autorisées à le faire dans le passé.
L’exception québécoise
Notons que contrairement au reste du pays, les consommateurs québécois seront épargnés de cette nouvelle pratique. Heureusement, la Loi sur la protection du consommateur interdit ce genre de frais.
Le commerçant et restaurateur montréalais Akim Acacia voit le tout avec ambivalence. « D’un côté, c’est sûr que ces frais finissent par avoir un impact non négligeable sur notre marge de profit. Mais si mes fournisseurs me les facturent aussi, ça va revenir au même. Il y a aussi la possibilité que mes clients se retournent vers mes compétiteurs, surtout les grandes chaînes de restaurants, qui ont davantage les moyens d’absorber les frais. »
Un plafond sur les frais, mais encore plus cher qu’ailleurs dans le monde
La surcharge est plafonnée à 2,4 % en fonction du règlement obtenu par les commerçants canadiens. Ailleurs dans le monde comme au Royaume-Uni en Chine et en Australie, les frais transactionnels de paiement par carte de crédit sont plafonnés à moins de 1 %.
Le Canada dont la moyenne des frais est de 1,4 % figure parmi les plus élevées au monde. Ce serait une question de réseau selon Luciana Brasil, associée du cabinet d’avocats Branch MacMaster LLP, basé à Vancouver, qui a travaillé sur le recours collectif.
Des frais plus élevés pour les cartes premium, mais la carte de débit est exclue
Le montant de surcharge pourrait varier en fonction de la carte que vous utilisez. Par exemple, les cartes premium pourront être plus susceptibles de faire l’objet de frais supplémentaires lors des achats.
En somme, plus vous obtenez de récompenses, plus vous payez de frais !
Sachez cependant que les cartes débit sont entièrement exclues de cette nouvelle pratique, incluant les cartes débit Visa et Mastercard.
Des commerces plus susceptibles que d’autres de profiter de cette nouvelle pratique
Il y a de bonne nouvelle pour les particuliers. Selon le sondage, ce sont les entreprises dans les industries « B2B » qui risquent le plus de passer à l’action.
Cependant, 19 % des petites et moyennes entreprises du secteur de l’hébergement et de la restauration comptent refiler la facture à leurs clients. Par ailleurs, c’est 17 % chez les commerçants de services personnels comme les salons de coiffure. Finalement, le taux est de 12 % pour les commerces de détail.
Il pourrait cependant avoir un effet boule de neige. Maintenant c’est seulement 19 % de l’ensemble des commerçants prévoient d’emblée d’ajouter ces frais aux factures de leurs client. Cette proportion pourrait augmenter au fil du temps.
26 % des commerçants sondés affirment qu’ils le feront également si leurs compétiteurs et fournisseurs le font.
De la théorie à la pratique : à quoi peut-on réellement s’attendre ?
« Je pense que la seule chose que cela va faire est d’habituer les gens à utiliser leur carte débit, a déclaré Brasil à la SRC. Je ne pense pas que cela affectera la capacité de payer dans un environnement sans argent liquide. »
Pour l’instant, les jeux ne sont pas encore faits et plusieurs questions demeurent sans réponse. Dans un contexte d’inflation, quels commerces oseront être les premiers à passer la facture des frais transactionnels à leurs clients ?
Et si plusieurs commerces emboîtent le pas, quelle sera la réaction des consommateurs ? Vont-ils délaisser les commerces qui le font au profit de ceux qui continuent d’absorber les frais ? Ou vont-ils simplement payer avec débit ?