Open Wallet, épisode 10 : Alexandre Taillefer

Par Paul Pontillon | Publié le 03 août 2023

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Table des matières

    Pour Alexandre Taillefer, l’argent n’est pas un but en soi, mais un moyen. C’est au cours du dixième épisode d’Open Wallet, l’émission de Hardbacon sur les finances personnelles, que l’entrepreneur en série est revenu sur son parcours ponctué de succès comme Stingray et Nurun.

    L’homme d’affaires aborde également ses échecs, dont Teo Taxi, aventure dans laquelle ses bailleurs de fonds ont perdu beaucoup d’argent. De son côté, il nous confie y avoir perdu ses REER. Entre coups de circuit, erreurs, médiatisation à outrance et création d’entreprises, Alexandre Taillefer nous ouvre son portefeuille pour un épisode passionnant.

    Podcast: StitcheriTunesSpotify | Vidéo : YouTube

    Julien Brault : Bonjour tout le monde. Bienvenue à Open Wallet, une émission où on interview des gens au parcours intéressant sur le thème de l’argent. Aujourd’hui j’ai la chance d’être avec Alexandre Taillefer qui a eu beaucoup d’argent qui est passé à travers ses mains, et encore plus de valorisations je pense. Alexandre, merci d’avoir d’avoir accepté de venir à l’émission. Puis la première question que je vais te poser, je la pose à tous mes invités. C’est quoi ton premier souvenir lié l’argent ? Il y a une condition précise qui vient avec cette question là, il faut que tu me dises le montant exact. Donc j’ai besoin d’un montant et d’un souvenir.

    Alexandre Taillefer : c’est sûr que les cartes de fêtes que je recevais de mes grand-parents avec 50 pièces, c’est quand même beaucoup d’argent.

    JB : Est-ce que c’était le billet à 50 ?

    AT : C’est le billet, de voir un billet rouge, à cette époque là ils étaient rouge puis c’était des gens de la GRC, la garde montée qui était sur des chevaux, c’est des billets. J’ai quand même les cheveux blancs là mais c’était un très beau billet. Et en fait j’ai jamais voulu aller le déposer à la banque. Je pense que je dois l’avoir encore quelques part dans les livres qui sont probablement chez ma mère. C’est tellement beau, tellement un beau billet.

    JB : Tu en as plusieurs ?

    AT : J’en ai eu à chaque anniversaire, j’avais sauvé le premier.

    JB : Tu les as trouvés ?

    AT : Non je crois en avoir gardé un beau, il était particulièrement beau, le rouge était beau. Aujourd’hui il est un peu délavé, à cette époque là, il y avait du rouge, du vert, du brun, les gens de la GRC sur leurs chevaux c’était magnifique.

    JB : Qu’est-ce que tu faisais avec ceux que tu as dépensé ?

    AT : Je devais aller probablement acheter le Pif Gadget parce que j’étais un lecteur de Pif Gadget, c’est un magazine où il y avait à chaque semaine des objets qu’on assemblait en plastique qui était absolument inutile mais j’étais quand même un fervent lecteur de ça, ça ou un San Antonio. Ou alors j’allais acheter des disques, j’aimais beaucoup la musique aussi. Tout ça pour te dire que j’ai pas commencé à acheter des actions dans REER ou mon REEE à l’âge de 7 ans ou 6 ans. Bien que je lisais les codes de la bourse avec mon père très tôt à 5 ou 6 ans.

    JB : C’est intéressant, ton père était dans le domaine de l’assurance si je ne me trompe pas ?

    AT : Oui, mon père était courtier d’assurances dans le domaine du cinéma et de la télévision.

    JB : Et lui, il ne faisait pas de placements boursiers mais c’est un intérêt personnel ?

    AT : Il regardait mais il ne faisait pas de placements boursiers, il regardait les journaux et mon père, je me souviendrai toujours, il lisait le journal et il me faisait lire le journal à l’envers. C’était quelque chose de particulier. Je mangeais mes céréales avec un jaune d’œuf et je lisais les journaux à l’envers. Il fallait que je le lise de l’autre côté, donc lui il lisait le journal à l’endroit et moi il me demandait de lire l’article à l’envers. Alors j’ai eu une capacité extraordinaire à lire les articles à l’envers, les bilans aussi, les états financiers. C’est une arme redoutable quand on se retrouve devant quelqu’un qui a des feuilles pour essayer de diriger la discussion, faites bien attention.

    JB : Les journalistes qui nous écoutent doivent faire attention sur des notes puis Alexandre peut lire ce que vous écrivez. Puis est-ce que c’est un milieu riche ? L’assurance elle peut payer beaucoup comme ça peut payer peu.

    AT : Mon père a lancé cette entreprise là quand j’avais 4 ans, ma mère travaillait là aussi, donc on le sait, lancer des entreprises ça demande énormément d’efforts. Des efforts qui ont commencé à payer probablement quand j’avais 12 ou 13 ans. Mes parents sont divorcés, mon père a déménagé et à 14 ans mon père a acheté une maison à Outremont sur le McEachran au coin de Bernard. Mais mon père a eu plus de moyens qu’il en avait quand on était plus jeune. Ma mère habite toujours au même endroit sur la rue Suzor Coté dans Cartierville. Donc on avait une petite maison qui est encore là, qui est très chouette, mais on était de la classe moyenne avec des gens qui prennent des risques.

    JB : Puis tu étais à Brébeuf ?

    AT : Je suis allé à Brébeuf, avant ça je suis allé à Stan. Mais avant ça j’étais à une école italienne Augustino Roscelli, c’était des bonnes sœurs italiennes. J’ai fait mon primaire jusqu’à 3e, avant ça je suis allé à l’école Evangéline et après ça je suis allé à Stanislas. Donc j’ai fait mon secondaire à Stanislas après ça je suis allé à Brébeuf.

    JB : Je sais que t’as lancé des business très jeune à défaut d’investir en bourse, peux-tu nous dire la toute première transaction où tu as essayé de transformer un dollar en plus qu’un dollar ?

    AT : Je dirais que la première c’est ma première entreprise, ça devait être Klaxon qui est un disco mobile. Alors j’ai lancé ça avec l’aide d’un copain et puis on faisait des party pour les associations de pompiers, de policiers, des party de bureau.

    JB : Combien as-tu investis ? Parce qu’il te faut acheter un tourne disque ?

    AT : Alors effectivement j’ai acheté l’équipement, des haut-parleurs, j’ai une anecdote assez intéressante. Donc j’ai acheté des belles tables tournantes, des Technics SL-1220. Si je me souviens bien, le prix devait être, à ce moment là, probablement usagé, 350$ dans la tête tournante. Parce que c’est des tables tournantes où il y avait un espèce de disc jockey où on pouvait faire du scratch, je n’étais pas très bon là-dedans. Puis on a acheté aussi des amplificateurs, un mixeur et des haut parleurs. Et j’ai acheté sur la rue Beaubien à quelqu’un qui vendait des haut-parleurs usagés et je me suis gâté, je m’étais vraiment acheté des belles boîtes de son, je me suis dit qu’avec ça, ça va cartonner, on va convaincre les clients de travailler avec nous. Mais j’avais complètement sous-estimé la grosseur des boîtes qui fonctionnaient très bien mais quand je suis arrivé dans l’auto, les boîtes rentraient pas, en fait il n’y en avait même pas une qui rentrait dans le coffre. Alors il a fallu que je retourne à l’intérieur du magasin pour dire: “écoute il faut que je les retourne, elles ne rentrent pas dans le coffre”. Ça m’a coûté 20 % de ce qu’ils appellent des restocking fees. Donc là le frais de retour, c’est une grosse dépréciation de 20 % en l’espace de deux minutes et j’ai acheté des plus petites boîtes qui rentraient dans le coffre. Alors ça a été une belle leçon. Caveat emptor quand on s’en va dans le commerce de détail. Buyer beware, faites attention quand vous êtes l’acheteur.

    JB : Comment tu as financé tout ça ? Tu dis les 350$ c’était un bout de temps avec un dollar constant.

    AT : En dollar constant, j’ai dû mettre probablement 7000$ – 8000$ d’équipements qui a dû venir à ce moment là de l’argent que je gagnait en étant pompiste ou en étant “wrapper” dans un supermarché. Je ne faisais pas du rap, j’emballais, et donc en faisant ça, j’ai payé l’équipement. Mais ce qui était compliqué aussi c’était les disques parce que j’ai acheté beaucoup de disques, j’avais des caisses de laits, les DJ ça a toujours des caisses de laits et je remplissais les caisses de laits de 33 tours et chaque partie avait des spécificités. Certains voulaient du tango, des danses, etc. Alors quand on regardait réellement là si j’avais fait un état des résultats ou un coup de la marchandise vendue, je pense que j’aurais peut-être pas choisi ce métier là.

    JB : Sur la durée est-ce que tu as fait plus d’argent que tu en as mis?

    AT : Mais quand on est jeune, à cette époque là j’avais 14 ans, 13 ans, gagner 4000$ dans une année c’est beaucoup d’argent.

    JB : Mais durant l’expérience, et puis au delà de ton salaire…

    AT : C’est sûr que si tu le prends sur une base horaire, parce que moi je prenais pas en considération les heures que je mettais là-dedans, et quand on est un entrepreneur on a souvent ce défaut là, on ne met pas notre salaire à l’intérieur du projet puis on dira j’ai fait 40 milliards de profits. La réalité c’est pas ça, c’est que si demain matin nous devrions engager quelqu’un pour faire le travail que vous faites, le bénéfice très négatif probablement, vous avez perdu de l’argent.  Moi mes premières entreprises; je travaillais 85 – 90 heures par année puis je me payais 18000 pièces par année quand j’étais capable de me payer. Alors c’est sûr que je faisais pas d’argent avec la disco mobile. J’ai fait un peu plus d’argent en passant avec une autre entreprise que j’ai lancé à Brébeuf qui fait des t-shirts et tout le monde fait ça. Moi je recommande aujourd’hui aux jeunes entrepreneurs de se lancer dans ce genre de projet là, c’est pas tant l’originalité qui est intéressante que négocier les termes avec des fournisseurs, d’acheter de la matière première, de faire des logos, d’après suggéré de l’inventaire. Il n’y a rien comme se lancer dans un vrai projet entrepreneurial pour comprendre les aléas du métier d’entrepreneur et on était très bon marketing. Witloof c’était le nom de l’entreprise et Witloof c’est une endive en wallon donc le slogan de l’entreprise c’était “raconte pas de salade”. Donc j’étais à peu près le seul à comprendre le lien entre Witloof/raconte pas de salades, mais c’est pas grave on avait des beaux logos et on vendait. On avait recruté les plus belles filles au pensionnat du Saint-Nom-de-Marie à Brébeuf et on leur donnait des t-shirts.

    JB : Des garçons seulement à l’époque ?

    AT : Non, il y avait des filles au cegep. Tu sais, il y a eu de la compétition qui s’était établi. Je me souviens très bien d’avoir appelé mon père en furie parce qu’il y avait quelqu’un qui avait copié les couleurs de nos t-shirt. Donc il y avait vraiment déjà un espèce de microcosme de l’entrepreneuriat là bas, avec des gens qui font du piggyback donc en français, ils copiaient un peu nos idées ou du moins c’était…

    JB : Est-ce qu’il y a un moment c’était clair pour toi que ce serait quelqu’un qui travaillerait pour toi même où c’était “là je m’amuse avec ça  et je vais faire une profession comme tout le monde plus tard”, est-ce qu’il y en a eu un moment où ça a basculé ?

    AT : le moment déclencheur c’est quand je pense que j’ai traîné pas mal à l’université, je dis que j’ai pas de diplôme, ce n’est pas vrai. J’en ai un en fait j’ai un diplôme de doctorat honoris causa.

    JB : Félicitations ! D’où ?

    AT : De l’UQAM des sciences de la gestion. Alors aujourd’hui je peux en fait même quand je vois aux États-Unis on demande tout le temps le titre et dorénavant je mets docteur, puis ça m’ouvre de nombreuses portes surtout au niveau des réservations dans au Open table, docteur ça marche très bien. Alors je me suis rendu compte à l’université que j’étais un cancre vraiment j’ai eu 2.3 de moyenne et je n’aurais pas pu obtenir mon diplôme, il aurait fallu que je repasse des cours tout ça, j’aimais pas beaucoup ça. Je passais plus de temps dans mon lit qu’à l’université et j’habitais à ce moment là au coin de Sherbrooke et Clark donc pas loin des bars de la rue Saint-Laurent. Je ne buvais pas à l’époque, je buvais du lait dans les bars mais j’adorais danser, c’est que aujourd’hui ça peut sembler bizarre mais j’étais très bon danseur qui buvait du lait.

    À l’époque je me suis dit ça va être original tout le monde prend de la bière et moi je buvais du lait. Il me semble quatre pièces, c’est à peu près le même prix qu’une bière, j’imagine peut-être des fois même un peu plus cher et donc je me suis dit que ma passion c’est l’informatique, j’étais bon en informatique, je programmais les gens m’appelaient pour les aider dans des problèmes de réseau, des problèmes de site. Là, je me suis rendu compte que c’était vraiment une passion et je me suis inscrit en informatique à l’université de Montréal et je suis parti donc j’ai quitté l’UQAM, je suis allé en informatique.

    JB : Durant tes études, est-ce que tu avais des revenus ?

    AT : Je travaillais à ce moment là, je travaillais, encore une fois j’étais emballeur. J’étais à la station Esso sur park pas loin de Saint-Joseph, là il y avait une station de trucs, je vendais les places de stationnement le soir, j’encaissais ça parce que ça faisait pas partie de la description, j’encaissais les revenus du parking. Je m’excuse pour le propriétaire de l’époque, je ne savais pas qu’on pouvait exploiter ça. Donc c’était quand même assez payant.

    JB : Dans le fond, c’était gratuit ?

    AT : Le coup de parking pour moi était gratuit mais c’est quand même un travail important de gestion des espaces et j’ai travaillé aussi dans un bureau d’architectes. Je faisais de l’AutoCAD

    JB : Puis j’imagine que tu es payé plus qu’un emballeur ?

    AT : Oui, je ne sais combien je faisais à l’époque mais il fallait que je paye mon loyer. Mon père m’aidait.

    JB :  Tu me dis que tu t’es inscrit en informatique à l’université de Montréal.

    AT : Je suis resté 4 semaines parce que je me suis rendu compte à ce moment là qu’on apprenait un langage de programmation.

    JB : Genre C ?

    AT : C’est un langage qui avait été créé pour apprendre, c’était comme du Modula mais je ne me souviens pas. Je faisais des sites internet à ce moment là, et je me suis rendu compte rapidement que j’allais perdre mon temps.

    JB : J’imagine que tu faisais de l’argent, il y a peu de gens qui savaient faire un site internet.

    AT :  Effectivement, il faut se remettre en perspective. En 1992, j’ai choisi de lancer ma boîte de développement web et de développement de CD-ROM.

    JB : En 90, il n’y a pas d’internet.

    AT : Il n’y a pas d’internet mais il y avait CompuServe et moi j’étais sur CompuServe à ce moment là puis on pouvait faire des pages, pour qu’on puisse faire des pages pour Minitel puis j’avais un peu de business de ce côté là et je programmais, j’étais vraiment un programmeur, je faisais surtout du director qui était à l’échelle multimédia, à l’époque j’étais un redoutable programmeur director et j’ai lancé Intellia ma première boîte. Mon père m’a prêté 25000 pièces.

    JB : Tu n’avais pas peur ? 25000 pièces surtout à l’âge que tu avais.

    AT : J’avais 21 ans.

    JB :  Tu as 21 ans et tu n’as pas peur de tout perdre ?

    AT :  J’ai jamais eu cette crainte là de perdre de l’argent, j’en ai fait beaucoup j’en ai perdu beaucoup, ça jamais été pour moi un stress parce que l’argent c’est un moyen pour arriver à ses fins puis ça n’a jamais été un but pour moi, ça n’a jamais été un but d’être millionnaire. Pour moi ça a toujours été l’accomplissement ou le paiement d’un projet qui a bien fonctionné.

    JB : Mais j’imagine que ton père avait les moyens de perdre ça, c’est pas comme si il allait hypothéquer sa maison pour te donner 25000$…

    AT : Effectivement, si mon père avait dû remettre les clés de la maison si les 25000 pièces n’avaient pas fonctionné, le niveau de stress aurait été plus important. Mais à ce moment là j’avais fait des demandes au Sage, on était rentrés dans le programme d’accompagnement des entrepreneurs c’est pas rien, en 92 au Sage on avait reçu 6000$ et on avait reçu à ce moment là les PPE. Le gouvernement avait lancé les prêts aux petites entreprises, le programme payait et ça nous permettait d’acheter jusqu’à 50000$ d’équipements et je me suis gâté. On avait nos ordinateurs, j’avais acheté un graveur de CD.

    Aujourd’hui on trouve ça bien drôle mais à l’époque j’avais l’un des premiers graveurs de CD à Montréal, j’avais payé ça je pense 8000$, je faisais du backup pour le monde sur des CD, c’était une source de revenus intéressante donc on avait diversifié un peu les types de service. C’est une firme de service mais on a faisais des CR-ROM, on faisait des sites internet.

    JB :  À la demande, tu étais payé pour le faire à cette époque, tu ne commercialisais pas les CD-ROM.

    AT : C’est devenu Nurun, et donc au début j’étais tout seul j’avais un partenaire, et on est passé à 3 à 4 employés, on était en haut d’un coiffeur sur la rue Saint-Laurent qui existe encore qui s’appelle les garçons coiffeurs. Ils sont encore là, moi j’étais au deuxième étage et on avait, au Début, pris l’avant puis après on a pris l’arrière du local, on était rendu 24-25 personnes.

    JB : Tu te payais combien au début ?

    AT : Rien, on se payait quand on avait un peu d’argent dans le compte de banque.

    JB : Puis quand tu embauchais, est-ce que tous devenaient associés et acceptaient de travailler avec un bas salaire. Parce qu’à un moment donné, tu engages dans ce milieu là, est-ce que tu payais du bon salaire ?

    AT : Des bons salaires, il faut comprendre qu’à cette époque-là on engageait des jeunes, on pouvait payer à cette époque là 16000$. Je me souviens pas, je faisais les paies, je faisais la comptabilité, mais à un moment donné, les paies nous coûtaient assez cher, c’était incroyable. C’est pour ça qu’on a déménagé dans le Vieux-Montréal dans un local immense et là on était moins sur les 40 50 60.

    JB : C’est quoi la motivation ce que tu m’as dit tantôt, moi c’est pas être millionnaire, qu’est-ce que tu essayais de faire avec cet entreprise qui est une entreprise de service, pourquoi passer de 5 à 25, de 25 à 200.

    AT : C’était la grosseur des projets, c’est ça qui est intéressant quand on commençait à travailler avec par exemple Renan c’était vraiment des gros projets c’est un moment passionnant. J’avais 25 ans, je faisais des projets pour Pratt & Whitney, pour Renan, pour la banque laurentienne, des projets qui n’ont pas toujours été heureux. Naturellement quand on commence le développement dans une industrie où on était devenu le leader, on était le joueur numéro 1 au Québec. Un des joueurs les plus importants au canada en développement de sites internet.

    JB : Je connais pas les détails de l’histoire mais je sais qu’il y a un paquet de fusions, genre dans le podcast on n’a pas le temps de raconter toute l’histoire.

    AT : Mais rapidement, j’ai fait une première acquisition avec Vidéotron qui est avec Québecor qui était un investisseur depuis 96, donc j’ai vendu 50 % de mon entreprise à Québecor. On a fait une première acquisition ça comme Martin Le Sauteur qui était le président de ça est devenu un collègue avec qui je continue à travailler aujourd’hui, un gars formidable.

    JB : Est-ce que c’est toi qui a eu l’idée des acquisitions parce que c’est quand même différent de gérer un business de service, où on fait des projets informatiques puis là, soudainement, il y a du due diligence, il faut faire des acquisitions et les intégrer.

    AT : Je dirais que j’étais l’initiateur mais à cette époque là je suis pas sûr que j’étais le gars le plus ferré en affaires, c’est à dire que je lisais des états financiers de façon approximative et mes compétences légales étaient plutôt limités. On a fait quand même 17 acquisitions, on était présent dans une douzaine de villes, on est monté à 1200 employés. On a fait un reverse takeover d’une entreprise québécoise qui s’appelait Informission, on est devenu public.

    JB : Comment tu as fait pour faire tout ça parce que c’est extrêmement complexe.

    AT : C’est clair que Québecor était là, il y avait des gens comme Normand Bélisle qui était à ce moment là le président de Québecor multimédia qui nous accompagnait, un gars comme Joe N. Il y avait des gens extrêmement compétents mais ça a quand même été pour moi une école formidable, à 26 ans, 27 ans faire toutes ces acquisitions là. Donc j’ai appris, j’ai eu la chance moi de faire un MBA, deux MBA, trois MBA en situation réelle.

    JB :  Puis parle moi, tu étais en bourse, tu étais toujours PDG quand tu étais rentré en bourse ? Elle s’appelait Nurun à l’époque ?

    AT : Elle s’appelait Nurun, quand on a fait le reverse takeover…

    JB : Informission était côtée en bourse.

    AT : Elle était cotée en bourse donc on a fait une prise de contrôle inversée et à ce moment là j’étais plus PDG.

    JB : C’était quoi ton rôle dans l’entreprise ?

    AT : Moi j’étais vraiment le gars en avant, je dirigeais la stratégie.

    JB : Puis est-ce qu’une cérémonie comme reverse takeover, on sonne la cloche sur TSX  

    AT : Non je ne suis jamais allé au TSX mais à ce moment là je mets la main sur 1 million d’actions d’une société publique. Puis j’ai 26 ans et l’action quand on fait le reverse takeover est à 7$, donc je valais 7 millions de dollars.

    JB : Est-ce qu’il y avait en général un lock up period où tu ne peux pas vendre tes actions ?

    AT : C’était terrible et j’ai beaucoup appris là-dedans effectivement il y a eu un lock up donc j’étais pas en mesure de vendre mes actions. C’était un lock up, vous savez quand on a souvent tendance à croire qu’un lock up c’est une entente avec le marché avec le TSX, c’est pas vrai du tout, c’est avec les banquiers et tout ça se négocie ce que je comprenais pas à l’époque. Et pourquoi est-ce que ça se négocie ? Parce que eux ils veulent pas se ramasser avec du stock, qui est vendu parce que eux ont des blocs à vendre. Donc ils ne veulent pas de compétition mais tout ça se négocie. Je l’ai su à la dure parce que le stock est passée de 7 dollars à 89 dollars donc à un moment donné je valais 89 millions puis est descendu à 89 cents.

    JB : Et tout ça durant une période où tu ne pouvais même pas vendre.

    AT : Il y a une complexité, j’avais mis en place une stratégie, pas une stratégie fiscale mais…

    JB : Tu as emprunté sur tes stocks ?

    AT : J’ai emprunté beaucoup d’argent sur mes stocks, j’ai emprunté près de 2 millions et demi pour lancer une autre entreprise.

    JB : Quand tu vaux 89 millions sur le papier, ça semble raisonnable.

    AT : C’est raisonnable mais tu vaux maintenant 89 puis tu dois 3 millions à la banque là, c’était une autre paire de manches, ça était des années très difficiles. C’est là où j’ai lancé Hexacto, ma compagnie de jeux vidéo et donc…

    JB : Est-ce que tu as fait une faillite personnelle ?

    AT : Non pas du tout mais j’ai été transféré aux comptes spéciaux. Donc j’ai travaillé avec le département des comptes spéciaux d’une banque canadienne. C’est une belle expérience à vivre. Il n’y a rien de plus difficile pour un entrepreneur de se retrouver aux comptes spéciaux. D’un autre côté en terme de formation comme expérience formatrice, c’est formidable.

    JB : Puis est-ce que c’est devenu une distraction ? C’est de regarder puisque là c’est négocier en bourse, des valeurs justement varient tous les jours.

    AT : C’était une distraction au départ, bien sûr quand je ne pense à ça aujourd’hui je regardais le stock parce qu’il faut voir qu’à cette époque là, dans la bulle des dot com, il y avait des variations complètement folles, on pouvait partir le matin de 21 pièces puis on était rendu à 31 dollars un soir puis le lendemain on est à 24 puis le soir on est à 38, c’est sûr que ça devient une distraction. Il y avait un logiciel à ce moment là que ça Pointcast, c’est un logiciel de sauve écran et ça diffusait des nouvelles pendant que ton écran était en mode veille, il y avait un taker en bas donc tu avais le taker de bourse et on se mettait nous, on lançait nos sauve écrans tout le temps pour être capable d’avoir le taker pour voir ça. Alors c’était pas très productif.

    JB : Puis tu me racontes qu’on ait une valeur nette, ta richesse est moins, ce qui est une position intéressante, est-ce que tu as pensé à faire faillite, ça devait être stressant.

    AT : Non, je n’ai jamais pensé à ça à ce moment là, même pas sûr que je pensais que c’était une alternative.

    JB : Parce que tu considérais que tes actions que tu avais dans Hexacto valaient chers.

    AT : J’étais plus convaincu que j’avais une entreprise formidable entre les mains et ça s’est avéré, c’est à dire qu’on a vendu cette entreprise là à Jamdat qui est une entreprise américaine, on a fait une très belle transaction.

    JB : Combien ça s’est vendu ?

    AT: Ça s’est vendu à cette époque là, une dizaine de millions mais on a été payé une partie en stock, une partie en cash. Une bonne transaction, oui non cette rétrospective le marché du jeu vidéo est en pleine explosion puis on a probablement vendu ça trop tôt, d’un côté on a reçu une part importante en stock. Et cette entreprise là, douze mois plus tard elle fait IPO au Nasdaq. Donc cette fois là, on s’est retrouvé plancher du Nasdaq.

    JB : Est-ce qu’il y avait un lock up cette fois ci ?

    AT : J’avais un lock up mais qui était moins compliqué, on s’était assuré de vendre une partie à nos missions alors l’expérience rentre. Si vous êtes un entrepreneur qui allait vivre ça, envoyez moi un petit courriel puis je vais vous donner les 10 choses à faire et ne pas faire, je les ai toutes faites à peu près. Je me sens comme un vieux aujourd’hui mais j’ai des cicatrices et des couteaux, j’en ai un dans le dos et c’est important d’avoir des gens qui saignent encore autour de soi, c’est mieux des gens avec des cratères dans le dos que les gens qui ont toujours tout réussi. Méfiez vous des gens qui ont tout réussi.

    JB : J’essaye juste de comprendre, c’est quoi ta motivation ? Tu dis faire des gros projets, tu te lances dans le jeu vidéo pourquoi tu te lançais toujours dans différents projets ?

    AT : C’est une très bonne question, je pense que c’est une caractéristique c’est peut-être pas un défaut, on dit que c’est un feature, moi je déteste faire ce que j’ai déjà fait, j’ai un de mes amis Alex Thabet qui avait fait le jeu vidéo avec moi dans Hexacto qui a lancé Ludia parce qu’il connaissait très bien le marché du jeu vidéo mais Alex a connu un succès extraordinaire avec Ludia, c’était un entrepreneur exceptionnel. Mais pour moi, avant l’argent je reviens à ça, ce qui m’excite c’est de lancer des projets dans des secteurs que je ne connais pas où je suis capable d’apprendre, je trouve ça formidable de passer quelques années à développer des compétences dans des secteurs que je connais moins et refaire ce que j’ai déjà fait ça m’excite pas. Alors aujourd’hui je suis par exemple, je considère des projets en agriculture. On a été investisseur dans un manufacturier d’autobus scolaires qui fait aujourd’hui des camions électriques. C’est formidable pour le petit gars que j’étais, j’avais un petit Tonka jaune et me retrouver dans une usine où l’on fabrique des vrais camions c’est formidable.

    JB : J’ai une question parce qu’après ça, c’est purement chronologique, tu as rencontré un gars qui s’appelle Eric Boyko et vous avez lancé ensemble compagnie qui, aujourd’hui, est cotée en bourse qui s’appelle Stingray. Et là tu me corrigeras mais moi ce que je connais de Stingray c’est que c’est un consolidateur, l’idée j’avais parlé à Eric puis il me disait, on cherchait des business rentables, pas sexy dont tout le monde se fout et vous aviez racheté à l’époque Karaoke Channel je pense. Et puis te connaissant et connaissant Eric, lui ce qu’il aime c’est du cash flow donc pourquoi ça t’intéresserait d’acheter des business un peu matures puis de consolider une industrie ?

    AT : Non, l’aspect financier est devenu pour moi de plus en plus important c’est à dire que même par exemple dans le secteur agriculture que je regarde aujourd’hui je me lancerai pas sans avoir fait une première acquisition d’un joueur traditionnel, on le fait dans le taxi aussi, on a acheté Diamond, on a acheté Hochelaga parce que les cash flow sont très importants, on le sait aujourd’hui financer une entreprise qui génère des flux de trésorerie positifs, c’est beaucoup plus facile que de financer des start up. Pour moi, ce volet là, cette dimension financière, je dirais presque une certaine sophistication financière, est arrivée du temps de Québecor.

    J’ai appris de John D. mais chez Stingray particulièrement le projet initial c’est un projet où moi je tripais sur le karaoké puis je voyais une opportunité et on s’est dit qui est dans le karaoké, qui est en mesure d’acheter, qui fait certains revenus et on a acheté cette entreprise là qui avait des millions d’abonnés aux États-Unis sur son service de VOD. Après ça, j’avais essayé d’acheter Galaxy en 2001 donc à la place d’Hexacto, mon projet à ce moment là était Galaxy, et les circonstances s’y sont pas prêtée alors j’ai finalement une opportunité en 2005 de refaire cette acquisition. Mais moi je suis un passionné de musique, c’est une passion profonde pour ça et je ne ferai pas aujourd’hui par exemple des clous de 6 pouces même si le cash flow est intéressant j’aurais pas cet intérêt là.

    JB : Donc si je te comprends bien, l’idée c’est de commencer avec une vache à lait…

    AT : Et de financer après ça des projets qui sont un peu plus risqués, ce qu’on a fait avec Téo parce que ce qu’on a fait, on est allé chercher les vaches à lait et on avait une idée. Elle est aujourd’hui je crois est encore excellente mais on a eu des gros enjeux de l’opération, des gros enjeux réglementaires et nous avons manqué de cash. Alors on a dû prendre la décision très difficile, c’est la première fois de ma vie que ça m’arrive, de déposer le bilan et de remettre les clés à la banque.

    JB : Je te reposerai une question sur Téo tantôt, mais sur Stingray justement puis c’est pour ça que je te posais la question, finalement tu as fini par partir, est-ce que c’était sur une différence de vision ou toi tu aurais aimé justement investir dans des trucs plus risqués puis lui non ?

    AT : Il y a de ça, il y a le fait qu’on peut pas se retrouver de capitaine dans un navire, on connaît Eric, vous me connaissez on est deux mâles alpha et à un moment donné, les deux mâles alpha et qui n’ont pas la même vision ça donne lieu à des combats de bucks, et dans ce combat de buck Eric a convaincu les autres actionnaires, c’était lui qui devait rester.

    JB : Est-ce que tu as gardé des actions ?

    AT : Ça a été compliqué mais non ils m’ont acheté.

    JB : Puis est-ce que tu étais en amertume, est-ce qu’il y avait un bon succès finalement ?

    AT : Ouais non parce que la réalité c’est que je suis très fier de ce modèle là, c’est l’acquisition de Galaxy et Eric ne connaissait pas Galaxy, il ne savait même pas ce que c’était à l’époque et je pense qu’on en a mis la main sur un actif incroyable qui a réussi à se développer. Et la majorité des acquisitions qui ont été faites par la suite faisaient partie du plan stratégique qu’on avait mis en place. Alors j’ai jamais d’amertume, moi quand je quitte un projet je regarde jamais en arrière, je pense tout le temps au prochain projet sur lequel je vais travailler.

    JB : Et puis je pense que t’as fais tellement de trucs et que je saute des étapes, mais parle moi du premier fonds, XPND, t’es rendu au deuxième fonds, est-ce que tu t’es dit moi je vais lancer un fonds en capital de risque ou c’est juste que tu as décidé d’investir dans une entreprise avec ton argent ?

    AT : Dans le premier fonds c’est moi qui a mis 20% du montant, c’est rare. La majorité des fonds les gens vont mettre 1 %, moi j’ai mis 20% du fonds. Ce qui est arrivé c’est que j’ai un intérêt pour de nombreux choses, de nombreuses choses m’excitent et j’en tire aujourd’hui des conclusions. Certaines conclusions que je tire de ça, on pourrait y revenir mais j’avais le goût de mettre un certain montant dans plusieurs entreprises. C’est ce que j’ai fait, on a mis de l’argent dans plusieurs entreprises dont Lumenpulse qui est allé en bourse, on a mis de l’argent dans GSM Project, on a mis de l’argent dans I-Perception, qui était une compagnie publique qu’on a rendu privée, donc on a mis de l’argent dans sept ou huit entreprises.

    JB : C’est un petit fonds ?

    AT : C’est pas un gros fonds, ça fait à peu près une vingtaine de millions de dollars.

    JB : Le rendement était bon j’imagine ?

    AT : Le rendement est encore bon, maintenant il reste deux actifs, GSM et I-Perception, ce sont des actifs importants dont le rendement va être réel une fois qu’on l’aura revendu ces deux actifs là. Par la suite on a lancé un second fonds puis on a attiré de l’argent des institutionnels donc c’est un fonds qui est plus substantiel, un peu moins de 80 millions et l’on a mis de l’argent dans plusieurs entreprises dont le projet Téo.

    JB : Puis parle moi de Téo, je pense que j’avais vu dans les journaux, c’est 30 % de fonds ?

    AT : On a mis beaucoup trop d’argent mais la réalité c’est que dans mon fonds aujourd’hui c’est le cas de la plupart des fonds, il y a des limites mais qui sont établies. On peut pas mettre plus que 20% du fonds dans un seul actif. La réalité c’est qu’on s’est retrouvé à un moment donné où on avait mis 20%, la compagnie avait encore besoin d’argent. Tu as deux choix ou bien tu retires puis tu laisses l’entreprise là ou bien tu décides d’essayer de passer.

    JB : Est-ce tu étais obligé d’aller chercher les méthodes avec l’argent ?

    AT : Je suis obligé de chercher des autorisations majoritaire donc c’est pas des majorités simples, il faut que ça soit approuvé à 75% puis on a aussi à ce moment là l’autorisation en trois étapes, c’est le supplice de la goutte chinoise, on a monté ça à 35% donc on a mis dans le projet 26.1 millions sur un fonds d’un peu moins de 80 millions

    JB : Puis étant donné qu’une certaine faillite, tout l’argent qui est injecté est complètement perdu, est-ce qu’il y un espoir de rendement positif pour le fond ?

    AT : Je suis convaincu qu’on va avoir un rendement positif non seulement un rendement positif mais un excellent rendement, on a des actifs en ce moment dont deux Autobus Lions, en fait Lion Motors maintenant qui fabrique non seulement des autobus mais aussi des camions. Et notre bus s’appelle Direction qui est un logiciel extrêmement sophistiqué de gestion de l’allocation des budgets d’immobilisation des grandes entreprises. C’est un logiciel absolument formidable et moi je pense que ces entreprises là vont être de grands success story québécois.

    JB : Puis pour revenir sur Téo, est-ce que tu penses que ton entrée en politique, j’ai l’impression, est-ce que Téo existerait aujourd’hui si les libéraux avaient gagné ? Moi j’ai une intuition que peut-être.

    AT : La réponse est non, la réalité c’est quand le Premier ministre vient te voir puis te demande d’être président de campagne, j’ai réfléchi beaucoup puis j’ai toujours été intéressé par servir le bien public, ça fait partie de mon ADN mais en rétrospective, je n’aurais pas dû le faire. La réalité c’est que quand tu es près d’un gouvernement, ça te nuit, ça ne t’aide pas parce que la dernière chose que les gens veulent c’est de se faire accuser de copinage, ou de savoir qu’une intervention que tu as fait auprès d’un ministère a eu une influence.

    La réalité c’est que la réglementation qu’on réclamait va être annoncée par la CAQ quatre semaines après qu’on ait déposé le bilan de Téo et ça m’a frustré et ça n’a pas de sens, on se battait pour des changements réglementaires depuis trois ans, qu’on n’était pas capable d’obtenir. Je me suis beaucoup battu et malgré ce que les gens peuvent croire, l’accès, l’influence politique, les entrées que j’avais auprès des ministres, auprès du Premier ministre, auprès des fonctionnaires ont nui, n’ont pas aidé, ont nui.

    Alors j’ai beaucoup appris, je suis repentant, je me suis excusé publiquement par rapport à ça. On a fait des grandes Erreurs, mais j’ai appris aussi certains éléments malgré toute l’influence que tu penses que tu peux avoir si ton plan d’affaires est basé sur des changements réglementaires, obtiens des changements réglementaires avant de te lancer. Parce qu’une entreprise comme Uber qui, aujourd’hui a une part de marché incroyable au Québec n’a jamais respecté la réglementation, pisser sur les règles en place, ont reçu des amendes, les payera pas, on va mettre des avocats là dessus ça, c’est un très mauvais citoyen corporatif.

    Mais Alexandre Taillefer XPND avec la caisse des dépôts avec la FTQ, avec fonds d’action comme actionnaire peut pas se permettre de dire “vas te faire foutre, moi je dois y aller, je dois lancer mes voitures, je respecterais pas le cadre réglementaire”. Mais finalement à la fin de la journée, c’est les bad boys qui ont gagné, les gens qui n’ont pas respecté le cadre réglementaire.

    JB : Puis j’imagine que tu analysais la situation comme tu mentionnais plusieurs erreurs mais s’il y avait une chose en tant qu’investisseur et pas forcément en tant qu’entrepreneur, tu entends qu’un investisseur chez XPND, quelle était la chose ou la leçon que tu retires de l’histoire de Théo ?

    AT : Naturellement il y a d’innombrables puis je compte bien faire un camp universitaire éventuellement pour y aller en détail, mais je pense qu’on aurait dû au lieu de dire : “on va passer de 110 voitures à 200 puis on va y aller malgré le fait que le cadre réglementaire soit pas en place” ; on aurait dû mettre le projet dans une situation de pilote avec 25 voitures, on aurait économisé du cash, on aurait perdu beaucoup moins d’argent, oui on aurait pu perdre un million et 2 millions par année, mais ça aurait été compensé par le business traditionnel.

    Alors ce qui est arrivé c’est pas compliqué, on s’est ramassé qu’un business traditionnel qui faisait 3 millions de profits par année ou 4 millions de profits par année ; puis on a mis un projet de start up qui est un projet innovateur qui perdait 10 millions par année. Alors on a dû se mettre dans une situation où on était prêt à perdre 2 millions, 3 millions mais pas 10 ou 12 millions.Parce que là, on s’est retrouvé dans une situation absolument invivable et ça c’est ma grande leçon. Il y en a plusieurs autres et on passerait une émission complète.

    JB : Comme à l’émission, je pose toujours la question : aujourd’hui est-ce qu’on peut dire que tu es un homme riche ?

    AT : Oui, j’ai beaucoup d’actifs mais je donne l’exemple de Téo, mes REER y sont passés parce qu’on sait ce que c’est les flux de trésorerie quand on est arrivé le cold pour aller chercher plus d’argent, ce n’était pas quelque chose que j’avais prévu nécessairement et il a fallu à ce moment là un entrepreneur ça a pas de fonds de pension, un entrepreneur ses actifs c’est des actifs qui est, selon les institutions financières, valent pas grand chose.

    Quand t’es assis sur un business privé même si a fait 50 millions de chiffre d’affaires, selon eux ça vaut moins que le vin que tu as dans ta cave à vin.

    JB : C’est sur qu’il y a des actifs, toi tu as une maison…

    AT : Mais tu sais, il y a beaucoup d’actifs qui sont dans des entreprises privées aujourd’hui

    JB : En termes d’argent cash, toi tu as combien par exemple ?

    AT : Dans mon compte, aujourd’hui, dans mon compte chèque, je dois avoir 25000 pièces.

    JB : Puis là on s’approche de la fin de d’émission mais c’est quoi la chose que l’argent te permet de faire ? qui t’apporte du bonheur.

    AT : Je dirais pour moi la liberté de procrastiner mais quand j’étais jeune, j’appelais ça de la procrastination, aujourd’hui c’est autre chose, c’est le loisir de penser, de réfléchir, de pouvoir regarder le plafond. J’ai regardé le ciel et mes meilleures idées sont souvent venus de tout ça, ça veut dire d’avoir le loisir de dire regarde, pendant quelques mois je vais décompresser, je vais réfléchir a tout, je vais lire des livres, je vais réfléchir à tout sauf être au quotidien de devoir faire mes quarante cinq heures par semaine pour que mon chèque de paye rentre.

    Alors ça pour moi c’est la plus grande liberté. Et de voyager, d’aller au resto mais je rêve pas d’avoir un jet privé, je rêve pas d’avoir un bateau sur la Méditerranée, j’ai pas d’intérêt, ça veut pas dire que j’aime pas ça, une fois de temps en temps faire un tour de jets privés mais c’est pas un objectif pour moi. Je n’ai pas de montre, j’en avais quand j’étais jeune, je les ai encore, je dois avoir une quinzaine de montres dans mon armoire, c’était à l’époque quelque chose qui était important. Je n’ai pas de voiture, j’ai aucune voiture, ma femme en a une mais je mets ça en perspective là mais j’ai pas de voiture, j’ai eu des Ferrari,  des Mercedes, des Porsche. La détention d’un bien physique n’a pas d’importance pour moi.

    JB : Si tu pouvais passer un message à ton toi qui plus jeune sur tes finances personnelles, est-ce que tu ferais quelque chose de différent ?

    AT : Oui, je dirai regarde c’est le fun de toujours remettre de l’argent dans les nouveaux projets mais mets de l’argent de côté. Puis mais toi dans un gestionnaire qui va avoir l’ordre de ne pas t’en donner une scène quand tu vas vouloir en remettre dans un autre projet, alors ton carré de sable ça va être ça puis celui là mais ne touche pas, j’aurais aimé ça aujourd’hui dire que j’ai pas eu besoin d’aller chercher un million de dollars dans mon REER parce que j’avais accumulé au fil des ans à raison de 22000 23000 24000 par année depuis que j’ai 25 ans cet argent là et puis aujourd’hui il est plus là, je suis confiant, je pense qu’on va très bien réussir avec les entreprises qu’on a aujourd’hui mais c’est un peu imprudent.

    JB : Merci beaucoup Alexandre.

    AT : Avec plaisir Julien.

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    En charge de la stratégie de contenu de Hardbacon, Paul a construit son expérience auprès des start-ups. Diplomé d’une maitrise en Marketing Stratégique, il est également en charge du marketing opérationnel et de l’analyse de données.