Faire des miracles

Par Julien Brault | Publié le 13 avr. 2022

Faire des miracles
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    J’ai besoin d’un miracle. On est à moins d’une semaine du Demo Day de Queen City Fintech, où le gratin du système financier américain assistera à ma présentation, et je ne sais pas encore si notre app sera lancée à temps. Il y a d’innombrables petits problèmes, allant des politiques du Apple Store à des problèmes techniques qui, mis ensemble, en décourageraient plus d’un.

    Chacun de ces problèmes, analysés de manière indépendante, peut être réglé. C’est juste qu’en une semaine, tous les régler relèverait du miracle. La bonne nouvelle est que, depuis que je me suis lancé en affaires, j’ai développé une singulière habileté à faire des miracles. Et mes associés aussi.

    Ma définition d’un miracle est une occurrence si improbable qu’on la considère impossible. Mais on a tendance à mal évaluer les probabilités en tant qu’être humain. Aussi, ce qui parait impossible est souvent possible, pourvu qu’on tente sa chance et qu’on y croit.

    Lorsque j’ai décidé que j’allais aller chercher du financement en faisant une campagne de sociofinancement, la plupart des gens à qui je parlais de mon ambition m’ont annoncé son échec. Je m’étais mis dans la tête que j’allais réaliser un miracle et, comme vous le savez, la campagne a été tout un succès.

    Au lendemain de la campagne, une entrepreneur que je respecte beaucoup m’a conseillé d’abandonner mon projet d’application mobile pour l’instant : «Concentre-toi sur ce que tu connais, sur le contenu, et attends d’être profitable pour t’attaquer à un projet aussi important que ton app », m’avait-il recommandé.

    Le conseil était bon. J’avais presque envie de l’écouter, car j’aime l’idée de bâtir une entreprise sans recourir à des investisseurs externes. La raison pour laquelle je n’ai pas écouté son conseil judicieux est que le marché des fintech bouge rapidement, et que je savais qu’il n’attendrait pas que je sois prêt pour ouvrir à la porte à de nouveaux joueurs. 

    Plus expérimenté que moi, il voyait bien que 70 000$ n’était pas suffisant pour bâtir une application se connectant non seulement à tous les courtiers au Canada (et éventuellement au monde), mais aussi, à plusieurs fournisseurs de données financières.

    J’étais bien naïf. Je pensais sérieusement qu’un développeur pourrait créer tout seul un produit minimum viable en quelques mois, après quoi je n’aurais qu’à appeler des investisseurs pour obtenir leur bacon et agrandir mon équipe.

    Il aura fallu deux développeurs backend, deux développeurs iPhone, une designer, et une analyste financière pour se rendre à bon port. Et c’est sans parler que j’ai dû apprendre à devenir un directeur de produit sur le tas, une fonction que j’imaginais utile que dans les grandes entreprises.

    On n’avait pas assez d’argent. Et le pire, dans tout ça, c’est qu’en cours de route, j’ai rencontré plusieurs directeurs des technologies expérimentés qui m’ont dit que je devrais m’attendre à ce que le projet prenne deux à trois fois plus de temps que prévu à aboutir. C’était décourageant à entendre, car on n’avait tout simplement pas le luxe de se permettre de tels délais. Finalement, on est en retard d’environ un mois sur les objectifs qu’on s’était fixés. Potentiellement un autre miracle ici, un miracle dont mes associés, qui n’ont pas beaucoup dormi au courant des derniers mois, sont entièrement responsables.

    Finalement, quelles sont les probabilités qu’on soit les premiers Canadiens à avoir été choisis par un prestigieux accélérateur commandité par Bank of America et Wells Fargo? Depuis que nous sommes à Charlotte, en Caroline du Nord, je me pince chaque jour pour vérifier si je rêve.

    Qui aurait cru qu’un VP de Bank of America, un autre de Wells Fargo et une ancien président de la division courtage de Wealthfront ferait partie de mes mentors? Ou que la même firme qui coache les pdg de la Silicon Valley passe du temps avec nous? Un autre miracle.

    Après le miracle du Demo Day, je vais passer quelques jours à New York pour rencontrer des investisseurs. Puis je rentre à Montréal, où je vais vérifier si j’ai encore un appartement, et rencontrer encore plus d’investisseurs. J’ai besoin d’un miracle aussi côté financement, car c’est long à faire, une ronde d’amorçage, et que personne dans mon équipe de tonnerre n’est indépendant de fortune, exception faite de certains membres de mon comité aviseur.

    Mais les miracles sont possibles. C’est d’autant plus facile d’y croire que j’en ai fait quelques-uns.

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    Julien a co-fondé Hardbacon pour aider les Canadiens à prendre de meilleures décisions en matière d’investissement. Depuis, il a levé plus de trois millions de dollars et conclu des partenariats stratégiques avec des institutions financières de partout au pays. Avant de lancer Hardbacon, Julien a partagé sa passion pour les finances personnelles et la Bourse en tant que journaliste économique pour Les Affaires. Il a aussi passé le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) et, au fil des ans, a collaboré à différents médias incluant Radio-Canada, LCN et Urbania.