Le REER est un piège à cons… pour les jeunes

Par Julien Brault | Publié le 26 juil. 2023

Le REER est un piège à cons… pour les jeunes
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Table des matières

    Pour les planificateurs financiers, le REER est un véhicule fiscal qui permet de déplacer des revenus imposables dans le futur. 

    Pour le Québécois moyen, le REER est une baguette magique qui permet de financer ses voyages dans le sud à coups de retours d’impôts boursouflés… tout en épargnant pour la retraite du même coup. 

     

    Comment fonctionne le REER

    Contrairement à la croyance populaire, le REER ne permet pas de mettre notre argent à l’abri de l’impôt. On repousse l’imposition à plus tard. Pire encore, on investit l’argent placé dans son REER, de sorte que, lorsqu’on sortira cet argent, le gouvernement pourra non seulement nous imposer sur l’argent qu’on y placé initialement, mais aussi, sur les rendements obtenus sur cet argent. 

    Dit comme ça, c’est moins affriolant, non? 

    C’est pourtant la réalité. Un jeune ingénieur en début de carrière, qui gagne 60 000$ par année, pourrait faire l’erreur de contribuer à ses REER en suivant les conseils du beau-frère qui lui a parlé de son truc pour voyager dans le sud sur le bras du gouvernement. 

    Notre jeune ingénieur, appelons-le William Poire, vit encore chez ses parents. Il n’a pas de mal à contribuer le maximum permis, soit 18% de ses revenus de l’année précédente. Il ouvre donc un compte REER auprès d’un robot-conseiller bien connu et y dépose 10 800$. Cette cotisation permet ainsi à William Poire de diminuer son revenu imposable, qui passe ainsi de 60 000 à 49 200$. 

    Ce petit tour de passe-passe permet à Poire d’épargner pas moins de 3 921$ en impôts cette année-là, de quoi se payer un tout inclus dans un hôtel cinq étoiles à Hawaï. 

    À court terme, le plan marche comme sur des roulettes. Par contre, notre Poire étant un ingénieur, son salaire augmente chaque année. Au fil des augmentations de salaire, il finit par gagner 150 000$ par année, ce qui n’est pas rare dans sa profession. Et chaque année, William Poire étant économe, il continue à faire les cotisations maximales à son REER.

    Lorsqu’il prend sa retraite, à l’âge de 65 ans, il a accumulé un petit pactole de 3,5 millions dans son REER. Il va voir un planificateur financier, qui lui explique qu’il peut retirer 150 000$ par année et étirer son pactole jusqu’à 96 ans… 

    Sur les conseils de son planificateur financier, notre Poire retire donc 150 000$ par année… et a une belle surprise lorsque vient le temps de payer ses impôts. Il se retrouve à payer pas moins de 51 527$ en impôts par année. Son taux marginal d’imposition s’élève alors à 47%, alors qu’il était de seulement 37% lorsqu’il a fait sa cotisation REER de 10 800$ 40 ans plus tôt.  

    Placée pendant 40 ans à raison d’un rendement composé annuel de 7%, la cotisation REER de 10 800$ de William Poire a fructifié et vaut maintenant 161 724$. Donc, non seulement le taux d’imposition marginal est plus élevé au moment du retrait (47% plutôt que 37%), mais le montant imposé est beaucoup plus élevé en raison des rendements boursiers. Après impôt, la cotisation REER de William Poire ne vaut plus que 85 714$  en supposant que William Poire retire ce montant en plus de ce qu’il retire déjà pour subvenir à ses besoins de retraité. 

    William Poire n’est pas à plaindre dans ce scénario, mais s’il n’avait pas écouté son beau-frère, il aurait très bien pu utiliser son 10 800$ de la manière suivante : placer 6879$ dans son compte CELI, et partir à Hawaï avec le 3 921$ restant (6879$ + 3921$ = 10 800$). Quarante ans plus tard, la valeur du placement effectué via son CELI atteindrait 103 009$, soit 17 295$ de plus que dans le scénario où il mise sur le REER. 

    Bien entendu, un planificateur financier aurait conseillé à notre Poire de privilégier le CELI alors qu’il était en début de carrière et aurait sans doute fait un plan plus raffiné que celui exposé dans mes calculs. Malgré tout, je trouvais important de mettre des chiffres sur ce scénario mettant de l’avant une mauvaise utilisation du REER. 

     

    Quand est-ce que le REER est avantageux, alors? 

    Malgré qu’il puisse mener à payer plus d’impôt que nécessaire, le REER, s’il est bien utilisé, peut bien entendu être fiscalement avantageux. Il faut toutefois, avant d’y cotiser, poser une question toute simple: est-ce qu’il est probable que mes revenus imposables soient supérieurs à ceux de cette année lorsque je ferai mes retraits? Si la réponse est oui, évitez le REER. Si la réponse est non, le REER devrait vous permettre de payer moins d’impôt! 

    Si vous venez de cotiser, et que vous n’êtes plus sûr que ce sera fiscalement avantageux, sachez que vous n’êtes pas obligé d’utiliser votre déduction fiscale cette année. En reportant votre déduction fiscale à plus tard, vous pourrez l’appliquer lorsque vos revenus et votre taux marginal d’imposition seront plus élevés.

     

    Pourquoi le REER est aussi populaire

    L’industrie des services financiers, qui investit chaque année des millions en publicité durant la «saison des REER», ne semble pas voir comme une priorité d’éduquer les Québécois sur le fonctionnement réel du REER. 

    Du point de vue des institutions financières, les investisseurs qui contribuent à un REER seront moins portés à faire des retraits, permettant aux institutions financières d’augmenter leurs actifs sous gestion plus rapidement. Qui plus est, la date limite de cotisation du 1er mars permet de créer un sentiment d’urgence artificiel durant les premiers mois de l’année, faisant du REER un produit plus facile à vendre… malgré que son fonctionnement semble échapper à beaucoup de petits investisseurs. 

    Le REER est pourtant un outil fiscal relativement simple. Cela dit, si les Québécois comprenaient son fonctionnement, ils seraient plus nombreux à bouder le REER au profit du CELI. 

    Dans les faits, le pourcentage des ménages québécois qui ont des REER (34.6%) est presque identique à la moyenne canadienne (35%). Là où le bât blesse, c’est que le pourcentage de ménages ayant contribué à un CELI est substantiellement plus bas au Québec, à 35,4%, qu’au Canada, où ce pourcentage s’élève à 40,4%. 

    Que le CELI soit aujourd’hui plus populaire que le REER démontre qu’il y a une partie de la population qui n’est pas illettrée financièrement. Malgré tout, il me semble évident que beaucoup de jeunes qui contribuent à leur REER finiront par payer plus d’impôt que leurs concitoyens qui ont choisi d’investir par l’entremise d’un CELI ou d’un compte non enregistré. 

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    Julien a co-fondé Hardbacon pour aider les Canadiens à prendre de meilleures décisions en matière d’investissement. Depuis, il a levé plus de trois millions de dollars et conclu des partenariats stratégiques avec des institutions financières de partout au pays. Avant de lancer Hardbacon, Julien a partagé sa passion pour les finances personnelles et la Bourse en tant que journaliste économique pour Les Affaires. Il a aussi passé le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) et, au fil des ans, a collaboré à différents médias incluant Radio-Canada, LCN et Urbania.